Le Nicaragua est un pays pas très grand, mais qui couvre une bonne diversité de milieux et donc de climats. Il y a des régions arides, humides, des grandes plaines, des montagnes, des volcans, des lacs, la côte Pacifique battue par les vagues, la côte Caraïbe découpée comme une dentelle abritant histoires et groupes ethniques. Et puis en ce moment, il y a la lutte interne. Je parlerai de ce que j’ai vu et entendu, peut-être dans un second article.
De la richesse du Nicaragua dans son ensemble, je n’ai pas vu grand chose. De la vie locale de Bluefields et ses alentours, j’ai pu rencontrer différents acteurs et prendre mes marques, commencer à avoir ma propre intimité avec les lieux. Je considère mon passage là-bas et ce que j’y ai vécu comme une chance, une grande chance, qui a été possible grâce à Georgina.
Georgina est une femme suisse qui vit au Nicaragua depuis presque 20 ans. Après avoir exercé comme éducatrice et psychologue en Suisse, elle a tout quitté pour aller faire du volontariat. C’est un peu par hasard qu’elle est arrivée dans une association nicaraguayenne, mais le pays lui a plu et elle ne l’a plus quitté. Elle a travaillé dans plusieurs associations pendant huit ans, nombre d’années maximum que l’on peut faire comme volontaire suisse. A partir de là, elle a créé sa propre association, pour aider les jeunes de la rue de Bluefields qui essaient de vivre entre des petits boulots glanés au jour le jour et souvent des addictions à la drogue (marijuana mais surtout, de plus en plus, au crack).
Aujourd’hui elle a 68 ans et se démène pour faire vivre le centre de son association en ville, une petite ferme achetée il y a 5 ans dans le but de sortir les jeunes des rues et leur apprendre des bases d’agriculture, mais aussi produire pour apporter un peu de revenus à l’association qui ne vit que sur quelques subventions et les fonds propres de Georgina (qui touche une petite retraite suisse).
Pour l’aider elle salarie un couple qui garde le centre de Bluefields, un autre couple sur la ferme (finca) et une autre personne à l’hôtel qu’elle a créé à partir de son ancienne maison de Bluefields. Et puis elle prend des volontaires.
Georgina pilote son bateau vers la finca
Je suis arrivée au Nicaragua le 28 février et à Bluefields le 2 mars. Au moment où je vous écris on est le 4 juin et je suis en Colombie, alors je ne vais pas trop développer mon récit. J’ai vraiment envie d’être à jour sur ce blog. Notamment parce qu’aujourd’hui j’ai reçu cinq messages me demandant si j’allais bien malgré l’irruption volcanique au Guatemala, alors que 3 mois me séparent de ce pays. L’intention de ces amies étaient d’être rassurées sur ma situation, mais ça m’interroge également sur l’utilité de donner de mes nouvelles régulières sur Facebook et Instagram (il n’y a pas besoin de compte sur des sites pour regarder mes pages). En fait je ne sais trop quoi penser. Toujours est-il que, de toute façon, mon séjour au Nicaragua a été vraiment chouette mais s’est inscrit dans une routine qu’il n’est pas utile de développer beaucoup.
Passage devant le volcan El Fuego en rejoignant Guatemala city pour prendre le bus pour Managua. Il est en activité depuis longtemps, fume et bave de la lave très souvent. Son coup de colère a été soudain, et étrangement personne ne s’attendait à ce que ça arrive un jour.
Pour les éventuels voyageurs lisant cet article, je vous donne quelques infos sur le voyage. Le trajet Guatemala city – Managua peut se faire en liaison directe, un seul bus sans escale. Ca nécessite de traverser le Salvador et l’Honduras, avec passages des deux postes de douanes à chaque frontière. En montant dans le bus il faut donner 17 $US à l’hôtesse qui se chargera ensuite de régler les frais aux frontières (2$ pour le Honduras et 15$ pour le Nicaragua, si je me souviens bien). Il faut des dollars US, par d’autres monnaie. Comme je n’en avais pas, le car s’est arrêté spécialement à un guichet au Salvador mais c’était plutôt embêtant pour tout le monde, c’est mieux d’anticiper.
La douane nicaraguayenne est particulièrement pénible, ils nous ont fait attendre 2h, demandant toujours des trucs en plus. J’ai du fournir une photocopie de mon passeport, que j’ai pu obtenir pour 2 cordobas (monnaie du Nicaragua), grâce à une allemande qui en avait avec elle.
Je n’avais rien réservé à Managua parce que je me disais avoir le temps de trouver un hôtel en arrivant à 18h. Mais on est arrivé à 22h et je n’ai pas pu éviter de me faire avoir en me faisant indiquer une chambre à 30$US par un des gars qui prennent le car d’assaut à son arrivée pour aiguiller les touristes vers où ils veulent. Managua est réputée pour être dangereuse, on peut se faire arnaquer facilement, et notamment par les taxis. Ce qui m’est arrivée aussi le lendemain pour rejoindre la gare routière (20$US la course!), parce que je n’ai pas pu choisir le taxi.
Mon conseil est donc de réserver une chambre à l’avance et de demander à l’hôtel de vous appeler un taxi officiel si vous en avez besoin.
Paysage vu du bus
Couchée à minuit, mon arnaqueur-mais-sympa m’a réveillée à 5h du mat pour que je puisse avoir le bus de 6h allant à El Rama. C’est un trajet de 6-7h que j’ai bien aimé. Pas très cher, je crois que le voyage est dans les 400 cordobas. J’ai passé une nuit à El Rama, mais j’aurais pu enchainer de suite pour rejoindre Bluefields en prenant une lancha rapide (bateau à moteur). Prévoyez une veste et des lunettes de soleil parce que la vitesse décoiffe, rafraichi et fait pleurer. Le voyage dure 1h40, à fond la caisse dans les rios bordés par la forêt tropicale. Le tarif est de 250 cordobas.
A Bluefields je suis allée dans un hôtel recommandé par Georgina et que également j’ai bien aimé. Du coup j’allais toujours là quand le passais quelques jours en ville. C’est l’hôtel Dona Vero, central, propre, calme, avec une petite piscine. Bluefields et la côte caraïbes est une ancienne région de pirates. La région regorge d’histoires à ce sujet. Récemment la construction d’un hôtel a mis à jour un trésor, coffre rempli de pièces… qui ne valaient plus rien.
Dans une lancha, comme des sardines en boite, avec un gilet de sauvetage.
https://youtu.be/q32_BX_k-fg&w=700&h=420
Attention, c’est parti…
Bluefields est la ville aux six ethnies, qui se côtoient et se mélange à peine : Créoles, Garifuna, Meskitos, Mestiso, Rama et Ulwas. Humainement c’est vraiment riche et hétéroclite, surtout en ajoutant une vieille communauté chinoise toujours présente et les blancs du nord qui passent ou s’y installent. Il y a peu de touriste à Bluefields, en ça aussi c’est une ville plus authentique. Les touristes qui viennent ne font que passer, pour prendre un bateau et rejoindre les fameuses îles paradisiaques de Corn Ilands. Mais beaucoup y vont en avion depuis Managua.
J’ai rencontré Georgina dans un comedor le soir de mon arrivée à Bluefields, et puis nous sommes parties le lendemain pour rejoindre la finca où j’allais séjourner.
Nous allions à la finca en bateau, entrant dans le campo (la campagne, la brousse) en s’enfonçant dans les rios (rivières) qui découpent la forêt couvrant normalement toute la côte caraïbes. Je dis normalement parce qu’il y a de plus en plus de déboisement pour faire de l’élevage de vaches.
Le premier jour nous sommes parties assez tard et il faisait nuit quand nous sommes arrivées. Ca donnait une ambiance encore plus magique.
https://www.youtube.com/watch?v=Ny2JCoZz7Fg&w=700&h=420
Retour paisible à la finca
A l’arrivée les trois chiens nous attendaient. Blacky, Duke et Chiquito entendent le bateau de très loin, bien avant tout le monde. Et puis j’ai rencontré Dona Teresa et Don Mario, le couple qui travaille et loge sur place. Sauf le dimanche, ils retournent à Bluefields dans leur maison où vivent aussi deux de leur filles avec leurs enfants, et ils vont à la messe évangélique. Ils sont très croyant, particulièrement Mario. J’aimais bien parler spiritualité avec lui, parce qu’en fait beaucoup de choses qu’il expliquait se retrouvent dans les autres préceptes spirituels du monde entier. Par exemple c’est quelqu’un incapable de dire non, parce qu’il faut donner aux autres. Nous recevons par ailleurs ce que nous donnons. A jouer à ça il a aussi coulé l’épicerie que Teresa avait. A un moment où il l’a remplacée pendant qu’elle faisait un séjour à l’hôpital, il disait oui à tout et a fait des crédits à plein de gens qui n’ont jamais payé par la suite. On pourrait se dire qu’il a eu tout faux. Mais en même temps, sans ça ils ne seraient pas à la finca en ce moment, ce qui lui plait mieux à lui. Pas forcément à elle, mais leur histoire n’est pas finie, peut-être qu’ils retourneront en ville un jour.
Teresa prépare des tortillas
Mario dans le marais, construisant une barrière
Sur la ferme il y avait des débuts d’un peu de tout mais rien qui roulait vraiment pour le moment. Il y avait des canards, des poules, des cochons, des pelibuye (sorte de moutons à poil ras), des lapins et un élevage de poissons d’aquarium. Côté végétal il y avait des jeunes plants de fruitiers, les précédents s’étant faits manger par les pelibuye qui ne restent pas dans leur enclos. Il y avait un début de potager mais qui partait mal, j’ai aidé à ré-orienter le projet.
A la ferme j’ai fait divers travaux. Notamment celui de préparer le potager en permaculture, ce qui m’a donné l’occasion de potasser un peu plus l’agriculture en milieu tropical. Mais je ne vais pas trop m’étendre là-dessus parce que tout a été un échec ou presque. Nan, ce n’est pas de ma faute. C’est parce que les poules étaient en liberté. Et ça, ce n’est pas bon pour les cultures en général. Autant vous dire que mes semis de carottes et de betteraves ont été rapidement foutu en l’air (c’est pratiquement du sens propre) et que les paillages des buttes de cultures ne restaient pas en place. Les poules adorent se nourrir des insectes qui travaillent le sol. A force de les voir tout casser Georgina a finalement décidé de faire un enclos pour les poules, c’était en cours quand je partais. Personnellement, je préfère ne pas avoir de poule, comme ça personne n’est enfermé. Ne pas manger d’oeuf n’a jamais fait de mal. Pas manger de légume, si.
Buttes de culture fouillées par les poules
Escaliers que j’ai fait pour pas glisser dans la pente quand il pleut
Autres escaliers
Lancement d’un cercle magique, pour réutiliser une mare aux canards. Le principe est de combler un grand trou de matière organique pour en faire un puit de compost qui va faire réserve d’eau (éponge) et de nutriment. On plantes arbres et plantes autour, et ils se développent bien mieux qu’en plantation normale.
Barrière faite avec Mario
Je ne m’occupais pas des animaux. J’aime beaucoup les animaux, mais pas trop les domestiques. Surtout quand on les enferme. Surtout quand le but est de les faire grossir et grandir pour les vendre. Je ne fais là aucun procès, mais personnellement il ne faut pas me demander de soit disant prendre soin d’être vivant qu’on destine à la boucherie, j’ai l’impression de faire des trucs pour rien et de leur mentir. Je laisse ça à d’autres qui y tiennent.
J’ai aussi fait d’autres paillages autour des fruitiers, qui ont subit le même assaut du gang des poules. Et puis des bordures et des escaliers. Diverses choses qui me donnaient le sentiment d’être utile tout en me faisant faire de l’exercice. Quelque fois j’aidais Mario à faire les clôtures pour les pelibuye.
Maman Pelibuye avec bébé pelibuye (se prononce peliboué)
https://www.youtube.com/watch?v=Jh9OjTCV7Eo&w=700&h=420
Tous les soirs il y a le rituel de mener les canards dans leur enclos, pour ça Mario est le meilleur, il sait les appeler
Les sortes de bac en bois bâché contiennent de l’eau et des poissons d’aquarium que Georgina voulait vendre à une foire
De temps en temps il y avait trois autres volontaires, trois jeunes filles françaises en service civile. Elles étaient là depuis novembre, mais passaient plus de temps sur Bluefields à aider au centre d’aide aux jeunes de la rue (où ils faisaient des travaux manuels comme de l’artisanat) ou à l’hôtel. J’aimais bien discuter avec elle et entendre leur regard sur le monde. Elle apportaient une autre énergie, plus neuve, plus fraîche. Ca faisait une ambiance particulière quand elles étaient là parce qu’elles ne supportaient plus beaucoup Georgina, tout en ayant jeté l’éponge de la communication qui apparemment ne fonctionnait plus. Donc elles faisaient le minimum de ce qui leur était demandé, en trainant un peu les pattes et en discutant beaucoup. Sauf la plus jeune, qui avait un besoin de défoulement physique comme moi et qui s’y donnait plus à fond. Georgina avait jeté l’éponge de la communication également, elle savait qu’elle avait loupé un coche avec ces trois volontaires à un moment difficile pour elle en janvier. Ce n’était pas vraiment récupérable et comme le départ était proche chacune faisait comme si, mais n’en pensait pas moins.
Mathilde, Laure et Romane, les trois copines très sympas, qui font un peu des grimaces
Ce n’est pas la peine de parler plus que ça des différends qu’il pouvait y avoir entre Georgina et les gens. Je n’ai pas vraiment envie d’entrer dans mon analyse d’untel ou untel. Tout ce que je veux dire c’est que toutes les personnes que j’ai rencontré durant mon séjour ont toutes de bonnes intentions et se donnent beaucoup dans leurs projets. Et j’ai vraiment eu plaisir à échanger avec tout le monde.
En vrac me viennent quelques souvenirs. La seule fois où j’ai vu un toucan royal de ma vie c’était à la finca ; j’étais aux toilettes, bien installée, et à un moment j’ai levé la tête pour regarder les arbres au dessus du cabanon : il y avait un toucan sur une branche, à se faire les plumes. Je précise qu’il est rare de voir ces toucans. Moralité, aux toilettes il faut lever les yeux au ciel.
La langues espagnole a un trait d’intelligence que la langue française n’a pas encore : elle va toujours à l’orthographe la plus simple. Ils écrivent comme ils prononcent. Pas de double consonne qui ne servent à rien, une seule manière de dire o ou f, pas de au, eau, ph, etc. Quelques fois ça fait des trucs drôles, parce que quand ils adoptent un mot étranger il font pareil, ils transforme l’écriture. Ce qui m’a fait rire un jour dans un café qui faisait des cheese cake, sur la carte c’était écrit shiskey.
Un jour j’ai entendu du Julio Iglesias dans un café (c’est sûr j’ai demandé confirmation), il est connu en fait en Amérique latine ; mais ça m’a bien fait rire de l’entendre là. Dans un bus j’ai entendu Adamo chanter en espagnol (chansons d’époque, ensuite j’ai vérifié sur Youtube et effectivement, il a pas mal chanté en espagnol).
Rue de Bluefields
Trois taxis, ils constituent 80% des voitures qui circulent (à vue de mon nez)
A Copenhague j’avais trouvé que les dannois.es étaient belles et beaux, et bien ça m’a fait pareil avec les créoles et les garifunas. Vraiment beaucoup de belles femmes et de beaux hommes dans ce peuple, de grande taille avec une droiture et une noblesse dans la posture et la démarche.
A ma surprise, pas de touctoucs à Bluefields, mais plein, plein, plein de petits taxis genre voiture KIA. Le prix est le même quelque soit le trajet dans la ville, 12 cordobas.
Il faisait très chaud, mon T-shirt était trempé tous les jours. Et il y avait des taons qui nous tournait toujours autour et finissait par nous piquer. Vers 17h30 les moustiques prenaient la relève. Et il y avait de toutes petits moucherons noirs qui piquaient aussi le soir. Et quelque fois il y avait des fourmis qui mettaient également leur signature. Les tatouages c’est has been, je vous le dis, les marques made in Nature c’est plus écolo et original.
Trois jours avant mon départ trois nouveau volontaires sont arrivés, un québécois et deux jeunes français. Ca a été aussi l’occasion de nouvelles rencontres, discussions et bons moments.
La saison des pluies s’amorçait, il y avait de très grosses averses sur la fin de mon séjour
Ville côtière, ville de pêcheurs. Il y avait une belle diversité de beaux poissons en vente dans la rue près du marché
Poissons (je n’y connais pas grand chose)
Ce que m’a apporté ce long séjour d’un mois et demi c’est une stabilité. Une régularité de vie saine et agréable, faite de travail dans une Nature éblouissante, de tranquilité, de repas simples cuisinés au feu de bois par Dona Teresa, de nuits dans une cabane en bois, de belles balades et de belles discussions humaines, très enrichissantes.
Le plat typique du Nicaragua (et du Costa Rica) est le gallo pinto, mélange de riz et de haricots rouges, qui se mange matin, midi et soir. Il peut être revenu dans une poêle avec des oignons pour être réchauffé. Il peut aussi être fait avec du lait de coco, et là, mamamia, c’est super bon. Dona Teresa fait le meilleur gallo pinto du monde alors on avait de la chance. Quelque fois pour changer on avait du riz, avec des haricots à côté. Quelques fois c’étaient des haricots juste à l’eau, quelques fois ils étaient frits à la poêle. Quelques fois il y avait des tortillas, et/ou des bananes plantains, cuites à l’eau ou à la poêle. Et toujours une salade, le plus souvent faite de choux, carottes, oignons, tomates, concombres. Ceux qui voulaient pouvait prendre aussi du fromage ou des œufs selon les jours. Parfois Mario allait à la pêche le soir et il me donnait un de ses petits poissons frits. J’adorais le soir parce que je dinais seule avec Teresa et Mario ; c’était simple, calme, chaleureux.
Teresa dans la cuisine
Gallo pinto de Teresa
Tortilla qui cuit
Mario déjeune, Duque le regarde (et attend)
Dans cette atmosphère me sont aussi remontés plein de souvenirs, des bouts de mon passé. J’ai pleuré certains soirs. J’ai aussi réalisé la chance que j’avais d’avoir des amis qui, je le sais, seront toujours là même si on ne se voit pas. La chance d’avoir ce genre de famille plutôt joyeuse et au sein de laquelle on peut tout se dire si on veut, des ta gueule aux je t’aime. Oui, on se dit aussi je t’aime, de plus en plus. J’ai réalisé le temps qui passe et que j’allais avoir 47 ans.
Je crois que c’est le côté beau, tranquille, familial de la ferme qui m’a fait du bien. Le sentiment d’avoir une place et quelque chose à faire. J’ai réalisé que je commençais à m’ennuyer et que j’aimerais bien faire des trucs. Mais je n’avais toujours aucune idée.
Fanny et Hypo (les deux français) avec Mario : préparation des piquets pour faire des clôtures
Jean-François, le québécois
Depuis Bluefields j’ai trouvé une opportunité pour garder une maison pendant tout le mois de mai, au nord de la Colombie. Ca allait me faire du bien. Faire le point, me reposer, et peut-être monter un projet ou au moins y voir plus clair.
Il est impossible de rejoindre la Colombie en bus, le sud du Panama est toujours en forêt vierge ou peu fréquenté. L’histoire dit que tout étranger s’y étant risqué pour rejoindre la frontière par ses propres moyens n’a jamais été revu (plus du fait de pilleurs que de la faune sauvage). Donc, au plus tard au Panama, il faut prendre soit un avion soit un bateau, la première option étant moins onéreuse.
Mais comme entrer au Panama n’est pas forcément facile, j’ai préféré faire simple et prendre un avion depuis San José au Costa Rica, ça me ferait également des trajets et des hébergements en moins.
Paysage depuis le bus
J’ai quitté Bluefields vers le 23 avril, six jours avant la date de mon avion, pour me laisser le temps de voir un peu le Costa Rica. Une des raisons pour lesquelles je ne voulais pas trop rester est que c’est un pays plutôt cher. Et puis j’avais hâte d’aller plus au sud. Mine de rien, en quatre mois je n’étais toujours qu’au milieu de l’Amérique centrale, et l’Asie commençait déjà à me faire sérieusement de l’oeil.
Pas trop réfléchir, attendre de me poser à Minca en Colombie et faire le point.
J’ai rejoins le sud du pays en bus, par le côté est du pays, ce qui était plus court et me faisait éviter la capitale Managua où il y avait le plus d’affrontements dans les rues (suite au soulèvement récent de la population face à des décisions injustes du gouvernement). Je ferai un petit article là-dessus après celui-ci.
Dans un bus
Dans un bus
J’ai utilisé un colectivo et deux chicken bus pour arriver à San Carlos, au bord du lac Cocibolca. Aller voir le volcan Ometepe qui constitue une île très touristique sur ce lac, ou visiter la ville de Granada m’aurait bien plu, mais tout ça voulait dire passer par Managua, qui déjà en temps normal n’est pas très sympa et qu’il valait tout simplement mieux éviter à ce moment là.
J’avais vu sur plusieurs sites que l’on pouvait rejoindre Los Chiles au Costa Rica en prenant un bateau qui remontait le rio pendant 2h heures, au milieu de la forêt. Je me réjouissais à l’avance de vivre cette expérience, mais quand je me suis renseignée le lendemain on m’a dit que ça ne se faisait plus.
J’ai donc pris un colectivo qui nous menait à la frontière. J’étais assise devant, entre le chauffeur et un autre passager sympathique avec qui j’ai échangé quelques mots. On a passé un premier contrôle policier où une femme nous a demandé nos passeports. Un ado qui voyageait seul n’avait aucun papier. Il était mineur et je n’ai pas compris ses explications, la policière lui répondait que sans papier et sans lettre de ses parents ils ne pourrait pas passer. Il y a eu beaucoup de parlementations, plusieurs personnes s’y mettaient et finalement il est resté dans le minibus. Un peu plus loin ce dernier s’est arrêté au niveau d’un petit parking où il y avait des sortes de stands buvette-cafétéria improvisées, et plusieurs hommes y sont descendus, dont l’ado et mon voisin sympathique. Je me suis dit qu’ils allaient peut-être travailler dans ce secteur, qu’ils n’allaient pas au Costa Rica. Et puis on est reparti. Il pleuvait un peu quand le chauffeur nous a laissé devant la barrière de la douane nicaraguayenne. C’est glauque une frontière, mais à pied et sous la pluie s’est pire. Et encore, j’étais au Nicaragua et j’étais en règle, pas demandeur d’asile sans papier dans les Alpes.
Paysage costaricain
Tout s’est bien passé, sauf qu’il fallait régler 2$US, et j’avais prévu mon coup cette fois-ci en retirant des dollars à la banque (à Bluefields quand on retire de l’argent on a le choix entre des dollars US et des cordobas). Sauf que j’avais un billet de 20$ et que les agents voulaient 2$. Pffffffffff. Solution, aller voir un des gars qui font du change en cachette que tout le monde connait. C’est même l’agent de douane qui me l’a indiqué. Il m’a changé mon billet de 20$ contre 2$+ le reste en colons, la monnaie du Costa Rica.
Ensuite ça s’est fait sur des roulettes. C’était même étonnant de facilité, mon sac n’a jamais été contrôlé. En plus je me revois poser mon petit sac devant le douanier costaricain, qui me demande en souriant si j’avais des graines ou des fruits dans mon sac. Et moi de répondre non avec mon sourire, confiante. Du coup il me dit de passer sans vérifier et c’est là que je me souviens que j’ai acheter des mandarines avant de partir et qu’elles sont juste sur le dessus dans le sac.
Champs d’ananas costaricains après récolte
J’ai pris un bus de l’autre côté de la frontière, destination La Fortuna. Ca m’avait été conseillé par Wilfred, un costaricain qui allait m’héberger trois jours plus tard à San Ramon. A la première escale, à Los Chiles justement, qui je vois monter dans le bus? Mon ancien voisin sympathique. Je lui ai souri avec des yeux étonnés et il m’a sourit avec un signe de tête. Là, je me suis dit qu’ils étaient passés en clandestins en fait. Je ne vois pas d’autre explication. Il doit y avoir des passeurs à la frontière, car beaucoup de nicaraguayens veulent aller travailler au Costa Rica. En tout cas ce doit être pseudo toléré car ce n’est pas très bien caché, et sans doute que la policière nicaraguayenne savait que l’ado voulait tenter sa chance au Costa Rica.
Après un changement de bus où j’ai perdu mon porte-monnaie je suis arrivée à La Fortuna, ville touristique et appréciée, sauf au moins par moi. Ceux qui suivent mes posts Instagram s’en souviennent peut-être. Le Costa Rica en général ne m’a pas plu parce que je revenais dans un monde pseudo moderne, et à La Fortuna je revenais carrément en Californie ou du moins une ville américaine. Après l’authenticité du Nicaragua tout ce déballage de flan touristique m’a écoeurée. C’était horriblement cher, rien que faire une rando sur le volcan valait 30$, se baigner dans les piscines naturelles valait aussi 30$. Et les prix sont annoncés en dollars US, pas en colons. C’est plein de touristes américains, de pick-up, de restaurants grill et de pizzerias. Ca parle anglais partout. Après renseignement, il y a moyen de faire tout ça à moins cher, mais quand on débarque et qu’on ne connait personne il n’y a aucun moyen d’accéder aux infos réelles et de faire des choix. Il n’y a que des Information center qui sont en fait des agences de voyage organisant des tours et ne nous donnant que des infos qui aident à faire tourner leur boutique. Même les hôtels organisent des tours et ne sont pas objectifs dans les infos données.
La Fortuna fait fortune
La Fortuna
La Fortuna a aussi son volcan, éteint
Le Costa Rica est à faire par ceux qui ont (à tort) peur de l’Amérique latine et ceux qui connaissent des gens sur place. Les premiers se sentiront en sécurité puisque le pays fonctionne à l’occidental, ils verront la beauté de la Nature tropicale, le dépaysement d’un pays hispanophone avec une cuisine traditionnelle encore présente. Les second auront les bons plans avec leurs amis locaux, ce qui leur reviendra à beaucoup beaucoup moins cher. Comme m’a dit Wilfred plus tard, là-bas un étranger c’est un porte-feuille sur pattes à qui il faut soutirer un max de billets.
Le Costa Rica est très beau, mais il est surtout très vendu comme destination parce que le tourisme est la 3ème source de revenu du pays. Le premier est l’agriculture, notamment pour les fruits bio. Je ne pense pas avoir raté beaucoup de chose vu ce que j’ai vécu au Guatemala et au Nicaragua.
J’ai un très bon souvenir du Costa Rica par les relations humaines que j’ai pu vivre justement grâce à l’accueil de Wilfred. Professeur d’anglais, il m’a fait passer une après-midi entière à discuter avec ses élèves, qui passaient devant moi deux par deux pendant 15-20 minutes. Ensuite on a rejoint sa maison, en moto. J’en croyais pas mes yeux, il était venu en moto au boulot alors que j’ai deux sacs à dos, dont un gros. Rien d’anormal pour lui, il a pris mon petit sac à dos devant lui et j’ai grimpé derrière avec mon gros sac. Sans casque, bien sûr. N’empêche que je riais toute seule pendant le trajet, traversant les rues de San Ramon avec le vent dans la gueule.
J’ai rencontré une partie de sa famille : ses deux enfants et ses parents, qui habitent en face de chez lui. Une de ses sœurs habite à côté des parents et son frère à côté de sa sœur, mais ils étaient absents. Sa femme aussi. Sa mère était d’une gentillesse incroyable, au petit soin pour tout le monde. Le lendemain elle avait préparé le petit déjeuner, typiquement costaricain : gallo pinto, avocat, tortillas, fromage frais.
Casado, plat traditionnel costaricain. Il y a toujours du riz et des haricots, une « proteine » (poulet, porc, boeuf ou poisson), des légumes cuits et des légumes crus. Ici c’est avec du poisson. Le menu du déjeuner inclu un verre de fresco, un jus de fruit qui varie selon la boutique (ici fresco d’ananas). Là il y avait aussi deux tortillas pour accompagner.
J’ai accompagné Wilfred dans une autre ville à deux heures de routes de là, où il avait rendez-vous. Ca m’a permis de visiter et de discuter. L’après-midi j’ai visité San Ramon. Le soir je devais loger chez Jennifer, une des étudiantes rencontrée la veille. J’ai rejoins son domicile à l’heure convenue, Wilfred m’ayant dit qu’il y déposerait mon sac après son travail. J’ai passé une soirée vraiment chouette. Je l’ai aidée à préparer des tortillas car elle devait accueillir des amis pour une petite réunion en début de soirée. Elle m’a dit qu’il n’y avait pas de soucis, que je pouvais y assister si je voulais, même si je savais pas de quoi il s’agissait. En fait, c’était un truc très intéressant.
Elle m’a expliquée après la réunion que pas mal de personnes, dont les jeunes adultes, étaient intéressés par le côté spirituel de la vie mais pas par l’église. Du coup des petits groupes se constituaient , comme celui qu’elle avait accueilli ce jour là avec son mari, pour discuter une fois par semaine. Par exemple la réunion a commencé par un tour de parole où chacun pouvait remercier pour des choses qui lui étaient arrivé dans la semaine. Les personnes qui parlaient racontaient des trucs en expliquant en quoi c’était positif dans leur vie. Ensuite je crois qu’il y a eu une lecture d’un texte et qu’ils en ont discuté. Il y a eu aussi des discussions sur des projets solidaires. Ce que je trouve intéressant c’est que ça permet de prendre du recul et de se recentrer sur ce qu’on vit, nos objectifs, les blocages, etc. Et d’être beaucoup plus conscient.
Rue de San Ramon
Ensuite on est sorti pour dîner dehors avec plusieurs d’entre eux. On était deux voitures remplies, ce qui n’a pas empêché Jennifer de faire faire un détour à son mari pour passer chez sa mère pour me présenter. En fait j’étais un peu un événement. Sa fille, timide au début, m’a prise par la main et a déclaré à sa grand-mère (qui avait mon âge, au passage) que j’étais une amie de sa maman, qui savait parler anglais et que je dormais chez elle (tralalère). La manip était aussi que je parle anglais avec Jennifer, pour l’entrainer.
Ensuite au resto elle a insisté pour régler mon repas. Il y a des moments comme ça, ou on se retrouve privilégiée sans aucune raison et qu’on ne sait plus quoi faire. C’est assez déroutant.
Le lendemain il fallait que je rejoigne San José où j’avais réservé une chambre proche de l’aéroport car mon avion était tôt le surlendemain. Et bien Helena, une autre étudiante d’une cinquantaine d’année, a insisté pour passer me prendre chez Jennifer et me conduire à San José, soit plus d’une heure de route.
C’est dingue.
En tout cas, je retournerai au Costa Rica un jour, et maintenant j’ai des adresses. Les gens sont vraiment sympa et accueillant, je ne peux pas dire le contraire.
Autre casado, encore meilleur, il y avait même de la betterave (le rose en haut)
Mais j’étais heureuse d’aller plus au sud, j’avais hâte d’être en Colombie, et hâte de me poser tranquillement, seule dans une maison avec jardin.
On ne peut pas tout faire en voyage. On rate plus de chose qu’on en voit. Il faut faire des choix et ne rien regretter.
Aucun endroit ne vaut mieux qu’un autre, chaque expérience est unique et porteuse de surprises et richesses.
Que sera la Colombie?
J’ai envie d’aller voir. Mais pour ce que est de l’Amérique du Sud ensuite, j’aimerais bien oui, mais j’ai la flemme. Et si je prenais assez vite un avion pour l’Asie? Est-ce vraiment ce que je veux? Ou est-ce une fuite en avant, pour voir après, et encore après, et encore après…
Je n’en sais rien.
Allons voir la Colombie.
Petit porfolio pour finir :
En route vers Bluefields pour quelques jours
Arrivée à Bluefields avec Georgina et Randy, son mari de 34 ans
Georgina et Randy remontent la rue vers un taxi, dans un paysage de feu
Bluefields sous la pluie
Vue depuis les hauteurs du terrain de la finca, qui fait plus de 40 hectaures.
Arbre à cajou, on voit une fleur et un début de fruit
Fruit de cajou tombé à terre, la graine est accrochée en dessous. Le fruit est bon, avec un goût vraiment unique. La graine, ne pas croquer dans la bogue pour l’avoir, c’est horrible ; une sorte d’acide qui engourdi la bouche rend l’expérience également unique : on ne recommence pas! Il parait qu’il faut toaster la bogue pour extraire la graine (dixit Teresa), mais comment on obtient les graines crues alors?
Bébé pelibuye se demande s’il a trouvé un nouvel ami, mais blacky se demande s’il a trouvé un nouveau jouet
Duque aux yeux de biche, très mignon, mais pas très futé.
Blacky et Duque
Entrée du dortoir, en haut des marches
Escalier en face du dortoir, qui descend vers le rio. Le sentier de droite mène à la cuisine, celui de gauche au puits et aux douches.
Le puits, les douches (au seau qu’on rempli au puits) et les toilettes sèches (depuis lesquelles j’ai vu un toucan)
Le grand pot bleu est le filtre à haut. Elle est très bonne, mais par précaution les européens préfèrent la filtrer. C’est juste un pot en argile à travers lequel l’eau passe ; simple et efficace.
Pot en argile qui filtre l’eau. C’est un peu comme un pot de fleur en terre mais pas cuite et sans trou au fond.
Un voisin venu réparer le toit de la cuisine, avec des feuilles de palme royale. On ne fait pas les toit avec n’importe quelle feuille, seulement les royales. Même celles qui leur ressemblent beaucoup ne sont pas utiliser. Mais il faut les trouver les palmes royales, il n’y en a pas partout. Chacun ses coins.
Le soir les vaches du voisins arrivaient brouter de l’autre côté de la clôture, près de la chambre.
C’est gracieux, une campagne qui a toujours ses arbres
Lézard sur la racine de mon grand arbre préféré
Rondon (il y a un accent sur le 2ème o), plat traditionnel de la côte caraïbo-nicaraguayenne. Sorte de grand ragout de viande qui peut être diverse, le top étant celle de tortue. Il y a aussi de la coco, des plantains, de la yuca (grosse racine comme le manioc). Photo prise dans la rue. Je n’en ai jamais manger, faut que j’y retourne. (par contre j’ai mangé une fois de la tortue, dans un petit comedor de rien du tout, juste une fois pour goûter, c’est très bon. Promis je ne ferai plus)
Autocollant sur la porte d’un comedor. Il y a beaucoup d’affiches et de campagnes contre la violence au Nicaragua, en particulier celle des hommes envers les femmes, celle des hommes et des femmes envers les enfants. Mais ce qui est pas mal c’est qu’il ne font pas de case comme en France. La violence est la violence, et elle n’est pas bonne, qu’elle soit faite aux femmes, enfants, hommes, animaux, forêts, océans….
Que les soirs était beaux et calme. Après une journée de travail, une bonne douche, se poser dans un des hamacs de la cuisine et regarder les couleurs changer, jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus.
Merci Georgina 🙂