L’Inde… comment parler de l’Inde…? J’ai souvent envisagé de ne pas écrire d’article sur l’Inde. Au début parce que je voulais finir mon voyage libre de toute écriture, de tout témoignage, de voyager juste en vivant, sans avoir à me raconter. Et puis, plus le séjour avançait plus il me semblait de toute façon impossible de décrire. Décrire l’ambiance des rues, décrire les relations entre les gens, comment fonctionne les échanges, les commerces, la société. L’Inde, quand on arrive, c’est Bordel-Land. En grand, en immense. Un fouillis anarchique ou chacun semble se démener pour ramener quelques sous à la fin de la journée. Dans la joie, dans l’excitation, dans la précipitation. Ou dans la patience et l’attente. Ca joue des coudes partout, aux guichets (faire la queue semble très difficile pour les indiens), pour monter dans le train (avant même qu’il soit arrêter, et même s’il va rester une demi-heure en gare de toute façon).
Et puis au fil du temps on voit que tout le monde se tient les coudes. Les gens donnent aux mendiants, pas à tous les coups mais souvent. Il y a une grande cohésion. Personne ne meurt de faim en Inde, ou presque. Quand ça arrive c’est un drame collectif. En Inde, on peut se retrouver souvent dans la merde, mais jamais pour longtemps : il y a toujours quelqu’un qui vous aidera. L’Inde est parsemée de menteurs qui vous racontent des histoires aussi grosses que le pays pour vous faire acheter ceci ou vous soutirer cela, mais sans méchanceté, sans rancune si vous leur refusez, tout ça c’est du jeu. En Inde on a de l’humour ou on tombe malade. Et l’Inde est aussi parsemée d’anges gardiens, qui accueillent et aident gratuitement ; quelques fois ce sont les mêmes que les précédents, 10 minutes avant ou 10 minutes après.
En Inde on ne s’ennuie jamais. Rien n’est jamais acquis, tout est remis en question tout le temps. Aussi parce qu’il y a plusieurs Indes. C’est vaste. On y parle 16 langues avec 16 alphabets différents, et dans chacune le dialecte change tous les 15 km. Sans parler des religions, des paysages, des habitudes culinaires.
En Inde le temps est une notion accessoire, qu’on utilise, ou pas.
L’Inde est bruyante, surtout dans les grandes villes, qui sont juste insupportables. Le klaxon est utilisé en permanence, c’est ahurissant. On roule officiellement à gauche, mais en fait on roule où on peut passer. Officiellement il y a deux voies, mais en fait, tant que ça passe il peut y en avoir 3 ou 4. D’autant plus que les vaches s’en mêlent, statiques ou marchant au ralenti dans la cohue urbaine, ou sur une plage, ou dans un temple, ou sur le quai des gares, ou sur les rails des gares (il faut voir les gens essayer de les éloigner quand un train approche, c’est beau). Et parfois il y a les singes, souvent dans les temples, mais aussi dans les villages, les gares. L’Inde est joyeuse, l’Inde est curieuse, l’Inde est accueillante. L’Inde vous plumera si vous ne savez pas mettre des limites, mais l’Inde est attendrissante et attachante, on veut lui donner de ce qu’elle donne, et se laisser arnaquer par un chauffeur de tuktuk ou un marchand qui gagne peu fait partie de mon jeu, aussi. La vie peut être si peu chère en Inde, que laisser 100 roupies de plus et bien ça peut rendre un jour heureux pour quelqu’un, quand ce n’est que 1,25 euros pour moi. Ok, se faire raconter des histoires et se faire embobiner n’est pas agréable. Mais en Inde ça passe, parce que …. ici rien n’est grave. Et la course à racler les prix comme le font pas mal de voyageur est parfois obscène. On est quand même des enfants gâtés, et on a peur de perdre un euro.
L’Inde nous pousse à nous poser les bonnes questions. Et à mettre immédiatement les réponses en pratique. L’Inde ne laisse pas beaucoup de répit. L’inde rit, pleure, chante, danse et prie. C’est le pays le plus vivant que j’ai traversé.
Oui, l’Inde est incroyablement vivante, et on veut être son amie. Et elle nous montre que oui, et que non, et que oui, et que non… L’Inde dans sa vivacité et son intemporalité, nous échappe toujours. Tout en nous tenant la main et nous servant un bon thé chaï (en vente aussi partout dans les rues, les gares, les wagons, les bus).
Je ne pense pas que je pourrais en dire beaucoup plus sur l’Inde, mon Inde. Elle est aussi comme une belle symphonie ; on peut écrire des pages et des pages sur une symphonie, ça ne vous apportera rien : il faut l’écouter par vous-même.
Ceci dit, ça vaut pour tous les pays.
Un autre événement m’a aidée à penser à arrêter d’écrire. D’autant plus qu’il est arrivé après une série d’autres évènements. Déjà, depuis plusieurs mois, quand j’ai l’occasion de prendre une chouette photo il y a presque toujours quelqu’un ou une voiture ou je ne sais quoi qui déboule pour se mettre entre l’objectif et la scène. C’est hallucinant, j’en rigole à chaque fois maintenant. Puis, depuis un mois j’ai perdu des trucs, oubliés derrière moi : mon sac de couchage dans un bus du Myanmar, mes écouteurs dans une auberge, ma gourde (avec filtre intégré) dans un musée en Inde. Puis la carte mémoire de mon appareil photo a déconné, elle n’enregistrait plus les photos (là je me suis dit qu’il y a vraiment un problème avec l’enregistrement du voyage). Et pour finir en beauté, je me suis rendue compte que le fichier photo de mon ordi avait disparu. Plus là. Plus clairement, j’ai perdu toutes les photos de mon voyage. Deux ans d’images. Restent celles du blog et de Instagram. Parmi les disparues il y avaient les plus belles photos de mon début de voyage en Inde, que vous ne verrez donc pas. En fait, j’ai du faire une fausse manip en faisant du ménage et mettre le fichier à la corbeille, et vider la corbeille. Personnellement, ça me sidère et c’est tellement gros que ça me fait rire. Je suis juste déçue pour les photos de Varanasi et d’Allahabad, qui étaient vraiment belles, je n’avais pas mis les plus belles sur Instagram. Mais sinon c’est plutôt cool. Ca allège.
Mais comme message on ne pouvait pas plus clair. Ou pas. Je crois que j’aimerais beaucoup, j’adorerais voyager sans avoir rien à raconter, juste être là, au lieu d’être là + penser à ce que je peux en dire à qui veut lire. Et en même temps je n’ai pas les ovaires assez grosses pour prendre la décision. Je me dis aussi que c’est un témoignage qui sert peut-être, pas seulement à divertir mais à inspirer. Si ça peut inspirer d’autres personnes pour vivre ce qu’elles ont envie de vivre alors ça en vaut peut-être la peine. Mais il y a d’autres sources d’inspirations ailleurs. Et ma propre évolution de vivre la fin de mon voyage sans ce cordon ombilical des réseaux et de la représentativité, de la connexion virtuelle à un groupe que j’imagine, me donnant une consistance sociale virtuelle, est peut-être toute aussi importante.En plus WordPress (la plateforme que j’utilise pour écrire le blog) a évolué et la nouvelle version est chiante à utiliser. Vous pouvez voir que la mise en forme est différente et je n’arrive pas à avoir la même qu’avant. C’est moche. (oui, je râle)
Toujours est-il que l’Inde m’a fait un bien fou. Je me sens beaucoup mieux dans ma peau et dans ma vie. Ici les masques se fissurent. Si on veut entrer vraiment en relation il faut être soi, et centrée. Tout bouge, même la vérité, alors si on n’a pas la sienne, si on n’a pas son cap, ses valeurs, ses limites, on est poussée à les trouver ou à chavirer tous les jours. Mais je suis arrivée en Inde après beaucoup d’autres pays et cultures, j’étais je pense prête à ça. Voire demandeuse, comme d’un coup de pied au cul pour me sortir de ma torpeur et mes indécisions. Si j’avais commencé par l’Inde je ne l’aurais certainement pas vécu de la même façon.
Dés l’arrivée tout a changé. D’autant plus que je suis venue par voie terrestre, déboulant par l’Est dans une région voyant très peu d’étranger. Et en fait, après le maternage perpétuel de l’Asie du Sud-Est, où on est pris en charge même sans le demander, où tout le monde est poli et gentil même de façon hypocrite parfois, ça m’a fait un bien fou de me retrouver dans ce bordel sonore et odorant, plein de promesses et suscitant plein de peurs, me disant « tu es comme nous, démerdes-toi ».
Là, c’était du voyage, là, j’ai vécu ce que les anciens baroudeurs ont pu vivre, un peu. Parce que la deuxième nuit j’ai eu du wifi à l’hôtel et que de ma chambre j’ai pu avoir plein d’infos sur internet et réserver un billet de train. Dans la gare c’était impossible, ils ne faisaient aucun effort pour m’expliquer. Or, si le système ferroviaire indien est génial, très développé et permet d’aller partout ou presque, quitte à rester 36h dans le même train, il est un peu compliqué à comprendre au premier abord. Au second puis au troisième on se débrouille très bien.
Bref.
Je ne vais pas m’étendre, juste mettre des photos légendées. Plein.
Mon parcours en Inde a été : arrivée à la frontière birmane à Moreh le 15 février. Puis Imphal, Dimapur, Guwahati, Varanasi, Allahabad, Banda (pour du volontariat), Khajuraho (et le parc national de Panna), Orchha, Hampi, Gokarna, Mumbai (Bombai). Envol pour la Turquie le 7 avril.
Place aux images, et à très bientôt pour des nouvelles plus fraîches 🙂