Equateur – Retour au centre

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En Arrivant à Guayaquil je ne sentais presque plus rien de mes douleurs dorsales. Le long repos en bus avait, cette fois-ci, opéré. Plus de toux ni de rhume, je me sentais bien. Et en plus je retrouvais à nouveau le soleil, car Lima à cette époque est sous un ciel grisâtre et tristounet. Mais, comme je sentais des points sensibles de temps en temps, j’ai voulu continuer les soins en allant voir un autre chiropracteur. C’était un américain qui avait l’air de maitriser et il faisait en plus de l’acupuncture, ce qui allait aider mon bras. Mais, il n’était pas très doué, en fait. Un peu bonimenteur le gars, qui ne savait même pas parler espagnol. Ca parle aussi de sa vraie motivation de pratiquer : l’argent avant les gens. Et je suis sortie de là en ayant plus mal qu’en y rentrant. Zuuuuuut. J’y suis retournée pour expliquer, autre séance décevante, je ne suis pas sortie mieux.

Parc des iguanes

Iguane dans le parc des iguanes

Entre temps j’ai visité la ville et j’ai adoré. Pas vraiment la partie touristique, mais surtout les coins que m’avait indiqué mon hôte. J’ai notamment visité un parc avec des expositions sur le chocolat (l’Equateur en produit beaucoup), des animations théâtrales très drôles, la visite de maisons/musées, un grand jardins potager, etc. Le quartier où je logeais était super, avec plein de petites allées piétonnes entre les pâtés de maisons, il y avait moyen de se déplacer à l’écart de la circulation, ce qui était agréable. Je logeais dans une maison d’hôtes pas chère du tout, ma chambre avait une petite terrasse et un coin cuisine, super confort. Et la propriétaire était adorable. Chaque jour elle m’apportait un truc, un jus de fruit frais, un bout de pastèque, des patacones (bananes plantain écrasées et frites), etc.

Ruelle pour monter au phare. Elle est spéciale pour les touristes ; j’ai essayer de prendre une autre ruelle et une habitante m’a ramenée sur le bon chemin en me disant qu’ailleurs il pourrait m’arriver des choses. Accueillant.

Vue depuis le phare

Je suis repartie au bout de quatre jours, quand j’ai compris que ce n’était pas là que je réparerai mon dos une bonne fois pour toute. Il fallait que j’avance. Je n’avais pas très mal, mais je me demandais si ça allait se réparer tout seul au fil du temps, ou s’il me faudrait consulter à nouveau sur Quito (la capitale) avant de m’envoler pour l’Asie. En attendant, direction Puerto Lopez, pour retrouver l’océan et, réaliser un rêve.
Lequel ?
Voir des baleines. Qui plus est, des baleines à bosse. Pendant l’hiver aux pôles elles viennent à proximité de l’équateur pour se reproduire ou mettre bât. On a ainsi deux populations mondiales qui ne se rencontrent jamais, car quand c’est l’hiver en Antarctique et que les baleines du sud migrent vers l’équateur, c’est l’été en arctique donc les baleines du nord s’en mettent plein la panse de krill là-haut. Et quand c’est l’hiver en Arctique, les baleines du nord descendent vers l’équateur mais celles du sud sont reparties à leur pôle antarctique pour s’en mettre plein la panse à leur tour.

Guayaquil n’est pas très loin de la mer, dans une zone fluviale, de zones humides et marais. C’est la capitale économique de l’Equateur, la plaque tournante commerciale.

Au centre ville, des bâtiments modernes et des rococos

Puerto Lopez est le lieu équatorien où l’on voit le plus facilement des baleines, entre juin et septembre. Et c’est vrai qu’on les voit facilement.
Ca a été la première sortie touristique que j’ai fait le lendemain de mon arrivée : sortie whales watching (observation de baleines). On est resté pas très loin de la côte, et nous avons pu voir des mères avec leur petits, qui s’éclataient pas mal. Le lendemain j’ai fais une visite sur l’île de la Plata, aussi appelée petite Galapagos. A tort, c’est pas mal, mais il ne faut pas exagérer non plus, les Galapagos c’est beaucoup mieux. Ceci dit, en y allant (1h de trajet en bateau) nous avons encore fait du whales watching, et c’était encore mieux que la veille. Plus au large, c’était essentiellement des adultes qui paradaient, des femelles suivies par des prétendants. Et elles se sont approchées beaucoup plus près, c’était impressionnant, et émouvant pour moi. Je rêverais d’aller à leur rencontre en plongée, mais bien entendu c’est interdit dans ce parc national, heureusement. Pour ça il faudrait avoir la chance d’y aller dans le cadre d’un suivi scientifique ou naturaliste. Ce qui était drôle lors de cette sortie c’est que sur dix-sept personnes nous étions quinze francophones, de différentes origines. Une famille de quatre québécois, une guadeloupéenne, un québécois seul, cinq suisses, trois équatoriens amis des suisses et parlant français couramment, moi. Un autre couple d’équatorien était également là mais ne comprenait rien aux blagues, pour le coup. Ca m’a fait du bien de me retrouver dans ce groupe pendant quelques heures.

Une mère et son petit

Une mère qui tape de la nageoire

Une mère vient de sauter

Baleineau

Bel(le) adulte

Envie de faire guiliguili

Magnifique

En mouvement ça donne ça (houle comprise) :

https://youtu.be/Pl4ASEkUGis&w=700&h=420

L’île de la Plata doit son nom aux colonies d’oiseaux qui s’y reproduisent ; plata veut dire argent, couleur donnée de loin par les fientes d’oiseaux. En elle-même elle n’est pas exceptionnelle du tout, mais il était impressionnant de se balader parmi les fous à pattes bleues, pas farouches. Il y a aussi une grande colonie de frégates mais leur période de reproduction était sur la fin. Par contre, nous avons fini la sortie en faisant du snorckeling (j’ai appris ce mot là-bas, il désigne maintenant le fait de se balader dans l’eau avec un masque et un tuba), et c’était magnifique sous l’eau. Beaucoup de coraux morts, mais des paysages superbes, des poissons de toutes les tailles et de toutes les couleurs, de grandes raies qui ressemblaient à des raies torpilles. En rentrant vers le bateau, j’étais la dernière à attendre pour monter à l’échelle et continuais à zyeuter autour de moi, quand j’ai vu une grande masse passer pas loin. J’ai nagé pour la rejoindre et waouh ! Non, je ne rêvais pas ! J’ai prévenu le guide qui était encore à l’eau aussi, on a foncé pour rejoindre la grande masse qui continuait sa route et c’était magnifique : une raie manta qui passait par là, à 20m du bord ! Un gros shoot de bonheur dans les veines.
J’étais sur un nuage. Retrouver la Nature, la mer, la plongée, c’était boonnnnn.

Un petit air de Cap Sizun

Deux fous papotent en se baladant

Fous à pattes bleues

J’adore leur regard de face, vraiment drôle!

Sur la plage il y a plein de crabes rouges qui courent très vite, impossible de s’en approcher, ils rentrent dans leur trou pour se protéger.

Tortue venue nous voir au mouillage?…. non, le guide leur lançait du pain :-/

Le lendemain, je me suis offert une sortie de deux plongées bouteille. C’est un peu mal tombé, parce qu’il faisait gris, froid, et on a même eu un peu de mouillasse. Mais j’ai adoré retrouver ces sensations et me balader au fond, parmi des chaos rocheux recouverts d’une faune très diversifiée. Ca ne vaut pas Mayotte (que j’ai visité avant mon grand départ, pour dire au revoir à une de mes sœurs qui y vit), mais c’était beau quand même. Et là aussi, une surprise pendant la deuxième plongée : on entendait les chants de baleines qui ne devaient pas être très loin. Je me suis permise de rêver à leur rencontre, en les appelant avec mon cœur, mais elles ne sont pas venues.

Bateaux de pêcheurs devant la plage de Puerto Lopez

A Puerto Lopez j’ai fait trois hôtels, ne trouvant satisfaction que dans le dernier. D’un côté j’ai bien aimé la ville, parce que j’y sentais un bon état d’esprit, une bonne ambiance. Mais d’un autre côté je n’ai pas complètement apprécié mon séjour, je n’y ais pas trouvé de place. Il y a d’un côté le front de mer et les rues adjacentes, touristiques, avec restaurants, agences d’excursions, hôtels, boutiques de souvenirs, etc, et de l’autre côté la vie locale, les boutiques locales, les échoppes de restauration de rue, etc.

Le soir tombe

Au Café Madame, les meilleurs jus de Puerto Lopez, ici avec un cheese cake. En plus ils font échanges de livre ; j’ai troqué L’île Mystérieuse contre L’automne à Pekin

Est-ce que ces mini-éoliennes sur tous les lampadaires fournissent de l’électricité? Je n’en sais rien. Ce serait chouette. C’est au moins une idée, peut-être une réalité.

Dans le premier monde tout est plus cher, on est en permanence sollicité pour acheter, réserver, dépenser, c’est la vie de vacances où l’on dépense et on est attendu pour ça. J’ai participé à ça pour mes excursions, mais je ne pouvais pas continuer à ce rythme de dépense. Tout le long de la plage il y a des paillotes qui tous les soirs servent des cocktails et balancent de la musique forte ; les vacanciers boivent et dansent. C’est pas trop mon truc, surtout toute seule, avec des amis ça pourrait être drôle. Parmi les cocktails il y avait les internationaux Cuba libre, Mojito, Bloody Mary, mais aussi des inconnus pour moi, qui donnaient le ton : Orgasmo, Amor en la playa, etc.

Entre les deux mondes

Street food

Dans le deuxième monde, on ne me souriait pas beaucoup, je ne me sentais pas à ma place, impression que pour les gens je me trompais d’endroit, que je devrais être dans la partie touristique. Un comedor a même refusé de me servir prétextant que le service était fini. Alors que deux hommes venaient d’être servis, l’un d’eux s’est même étonné en disant « mais si, il y a a encore de l’encebollada, tu viens de m’en donner ! » (ce que je demandais) mais la patronne m’a regardé et confirmé « non, il n’y en a plus ». Le gars a laissé tomber et moi aussi. Mais ça m’a blessée.

En une semaine il n’y a eu que deux jours de soleil. Le reste du temps, comme sur la côte péruvienne, le ciel était gris. D’un côté tant mieux, comme disaient les autochtones, parce que quand le soleil est là c’est intenable paraît-il. Mais là, c’était tristounet.
J’ai fait deux autres excursions par moi-même, en prenant les transports en commun au lieu de passer par une agence. C’est sur internet, des blogs de voyageurs, que j’ai eu les infos sur comment faire. Sur place il est difficile de sortir des mailles des filets à touristes.

Dans la rue principale. On retrouve les tuktuk, j’adore.

Frégates au-dessus des bateaux de pêche, essayant de glaner quelque chose

Pas loin de mon dernier hôtel

Là-bas pas de goëlands, mais des pélicans

Ainsi, j’ai visité la communauté d’Agua Blanca, descendant d’anciennes civilisations précolombiennes. Le territoire de la communauté est à présent un parc protégé, que l’on visite avec un guide, traversant sites archéologiques et milieux naturels, avec de jolis oiseaux. La visite se finit à un endroit où sortent des eaux volcaniques sulfureuses, aux milles vertus. Un grand bassin est aménagé en jolie piscine et on peut au préalable s’enduire d’argile et même se faire masser. C’est ce que j’ai fait, un bon petit massage m’enduisant d’argile puant l’oeuf pourri (odeur du soufre) de la tête au pied. Ensuite je suis restée faire sécher ça pendant 15 min, et puis plouf ! Baignade dans de l’eau à l’odeur d’oeuf pourri. Pour la santé et la beauté on fait n’importe quoi. N’empêche que les habitants de la communauté viennent régulièrement se baigner. Pendant que je pataugeais un groupe d’enfants est arrivé, sans doute après l’école, et ils s’amusaient bien dans cette eau opaque, blanchâtre (agua blanca), aux mille vertus.

Rivière asséchée dans la communauté d’Agua Blanca

Arbre qui a soif

Joli oiseau

Mega cactus

Piscine qui pue

La veille de cette excursion j’avais pris rendez-vous pour un massage, avec une allemande, qui faisait des massages tissus profonds. Mes légères douleurs étaient toujours là, pas handicapantes comme avant, mais elles me disaient que mon corps n’allait pas bien. Pour du profond, c’était du profond, presque du perforant. Elle massait fort, et parfois posait un pouce sur un point et appuyait de tout son poids, j’avais souvent très très mal. Mais je ne disais rien. Je savais qu’elle agissait sur des points physiologiques et je serrais les dents, me disant que ça pourrait bouger des trucs. La nuit suivante j’ai très mal dormi, j’avais mal partout dans le dos, avec l’impression que ma colonne était fragile et qu’elle pourrait se casser si je bougeais brusquement. Le lit était mou et ne m’aidait pas. Je me disais Et merde, j’ai encore fait une connerie. Le matin je me suis posé la question de rester allongée ou de me bouger. Je me suis bougée. Et en fait au fil de la journée je sentais de moins en moins les douleurs. Et elles ont complètement disparu ! Plus rien ! Hourraaaaaa ! J’avais bien fait finalement, le massage avait rectifié des points énergétiques, dans la douleur, mais autant vous dire qu’après plus de deux mois de problèmes je m’en foutais complètement. Merci merci merci !

Termitière dans un arbre

Une autre excursion facile à faire par soi-même est la visite de la grande plage Los Frailes, annoncée comme étant la plus belle plage d’Equateur. Je ne confirme pas. C’est une longue et belle plage de sable blanc et brûlant (j’y suis allée un des rares jours ensoleillés), ventée et battue par les vagues. Par contre, à côté il y a d’autres plages plus petites, dont une bien abritée et toute mignonne. Ca a été un grand bonheur de m’y baigner. A Puerto Lopez, la plage est crade et pas avenante pour se baigner. Mais là c’était un petit paradis. Ca ne vaut pas la plage de Moha à Mayotte, et encore moins la plage du Corsen à Plouarzel (mes plages préférées au monde), mais c’était quand même vraiment pas mal.

Joli oiseau rouge

Riche vallée verdoyante de la communauté d’Agua Blanca, entourée de la forêt sèche qui sépare la côte de la forêt humide, plus en altitude.

J’ai passé une semaine à Puerto Lopez. A réfléchir, sur ce que je voulais faire, de ma vie, ou au moins des semaines suivantes. Pas rester dans cette ville c’est sûr, je ne me sentais pas à l’aise, mais je voulais rester près de la mer. J’ai postulé à quelques endroits de house-sitting et de volontariat les pieds dans l’eau, mais sans réponse positive.
J’allais bien, enfin, après pratiquement deux mois de mal-être physique qui me coupait de plein d’activités, me brouillait la tête et engendrait un mal-être global. Je m’étais encore plus isolée ainsi, sans pouvoir faire de volontariat, ni de couchsurfing. Et j’avais pris le pli. Et je m’emmerdais sec. Pas uniquement par manque de possibilité, ça m’avait aussi coupé de l’envie de faire des trucs, des projets. J’avais hâte de quitter l’Amérique latine, de découvrir l’Asie. Vraiment hâte. Mais je voulais aussi faire le clair dans mes idées, faire le point dans mon intérieur avant de partir vers du nouveau à découvrir à l’extérieur.

Plage de Puerto Lopez

Squelette de baleine à bosse

Comme je savais que la Nature et travailler la terre me faisait du bien, j’ai regardé les annonces de volontariat dans les fermes. Mais avec mes exigences. Pas de plan galère, je n’avais pas l’énergie pour aider les plans à la dérive. Pas d’élevage, ça ne m’amuse pas de m’occuper d’animaux destinés à l’abattoir. Pas de ferme qui demande de participer aux frais de repas ; celles qui font ça ne veulent rien donner en échange du travail fournis, ce n’est pas un échange du coup.
J’ai quand même repéré une annonce pour aider une ferme qui plante plein d’arbres fruitiers et s’intéresse à la permaculture. Elle a été créée par un équatorien, rejoint ensuite par une italienne, leur idéal étant de créer petit à petit une communauté sur le site, pour partager les mêmes valeurs et le travail qui peut devenir considérable vue les potentialités du site. Ils ne demandaient que 4h de travail par jour, quatre jours par semaine, ce qui laissait trois jours de libre le week-end. Ils précisaient aussi qu’ils organisaient des séjours de « soin » ou de santé car le site se prêtait bien à la medecine. J’ai envoyé une demande, qui a été acceptée assez vite, avec joie ; tant mieux !

Balade à Los Frailes

Sentier côtier

Jolie petite plage

J’ai donc pris un bus pour Pedernales, une ville plus au nord, toujours au bord de l’océan, où j’ai attendu trois jours le rendez-vous pour me rendre à la finca (ferme). Pedernales n’est pas une ville agréable du tout. Pas accueillante et je m’y sentais moins en sécurité. Faut dire que j’avais été refroidie dans le bus, en voyant une main essayer d’ouvrir une poche de mon petit sac à dos qui était à mes pieds. Vraiment dingue, le gars du fauteuil de devant s’était mis au sol pour passer son bras sous son siège et atteindre mon sac. Je n’ai vu que sa main, vite fait parce qu’en fait sentant mon sac bouger un peu je l’ai remis en place avec mes pieds tout en baissant la tête vers lui. J’ai juste vu la main se retirer vite fait face à mes mouvements de pieds. Je n’ai rien fait rien dit, la main était petite et je pensais que c’était un gamin. Mais à la gare j’ai vu un petit bonhomme au moins aussi vieux que moi sortir du bus rapidement. Je crois que les vols ne sont pas très apprécié dans les bus, il ne voulait pas trainer.

Oiseau mystère

Ensuite, le premier hôtel que j’ai pris à Pedernales m’a fait payer trop cher, je l’ai compris après, en me rendant compte que la chambre n’était pas aussi confort que le prix le laissait entendre. Je n’ai pas l’oeil pour repérer ce qui ne va pas quand je visite un endroit, il faut que je vive dedans pour voir. Bref, j’ai changé d’hôtel le lendemain. Mais j’ai quand même vécu un truc notable dans cet hôtel : un petit tremblement de terre ! Avant toute chose, il faut savoir que Pedernales et sa région ont eu beaucoup de dégâts, de morts et de blessés il y a un an et demi, suite à un tremblement de terre de 7,8. La ville continue de se reconstruire. Donc, quand ce soir là, allongée sur mon lit, j’ai senti mon ordinateur bouger et glisser sur mes genoux, puis senti les murs et le bâtiment bouger, je me suis dit waouh, un tremblement de terre ! Amusée comme on peut l’être en Bretagne quand ça remue (ça arrive) : ce n’est pas très fort et ce n’est pas grave. Oui, mais pour la population locale, vivant sur une faille et risquant la mort à chaque fois, les références étaient toutes autres, avec raison. Le propriétaire s’est donc mis à gueuler vite fait dans le couloir pour dire à tout le monde de sortir immédiatement. On s’est tous retrouvé dans la rue, au bord de la plage, en tenue de nuit, à attendre de voir comment ça se passe. Parce qu’apparemment les grands tremblements de terre commencent comme ça et enchaînent sur des plus grandes secousses. Moi, je me suis d’abord dit que ça pourrait être bien d’avoir un sac prêt pour sortir avec, parce que si ça virait mal j’étais en pyjama sans argent ni papier. Ensuite j’ai pensé à plus grave, à un truc qui me fait vraiment peur : les tsunamis. Parce que même avec un tremblement léger, l’épicentre peut être plus loin en mer et engendrer un tsunami. Quand j’étais petite on appelait ça ras de marée, et ça m’inquiétait déjà beaucoup. Je me souviens de demander à mon père si, en cas de ras de marée, la vague arriverait jusqu’à notre maison, alors qu’on habitait sur les hauteurs de Châteaulin (Finistère, France), soit à 20-30km de la mer. Oui, mais il y une rivière à Châteaulin, et je n’étais pas sûre que le ras de marée ne puisse pas remonter la rivière. Je dois avoir des mémoires enfouies pas rassurantes avec les grandes vagues d’eau.
Mais ce soir-là, à Pedernales, il n’y a pas eu d’autre secousse ni de tsunami. L’épicentre était plus au sud, vers Guayaquil, où la secousse avait atteint 5,6 sans créer de dégât. Il me semble même que ça avait servi d’exercice pour les protocoles d’évacuation et que tout le monde était content.

A Puerto Lopez (je n’ai pas de photo de Pedernales)

Le lendemain j’ai trouvé un autre hôtel moins cher, sympa et avec piscine. Le ciel était toujours aussi gris, les vagues sur la plage étaient très fortes, attirant quelques surfers mais empêchant de nager. Je me sentais vraiment seule. Et puis le jour de rejoindre la finca est arrivé. Entre temps j’avais appris que l’italienne était en Italie, je ne rencontrerai donc que Bola, le propriétaire. Et ce dernier m’avait dit par message de contacter Tabitha, une volontaire arrivée quelques semaines auparavant, pour coordonner nos arrivées à la ferme le dimanche après-midi. J’ai compris que lui n’y était pas non plus, il arriverait plus tard.

A Puerto Lopez

J’ai pris la navette pour aller jusqu’au village dans la montagne, où se trouvait la finca. Et ce connard de chauffeur m’a demandé 20$ pour le trajet au lieu de 5 ; devant ma tête étonnée il a dit bon 15 ça ira. Connard. Franchement, j’en avais marre qu’on me raque sous prétexte que je suis européenne. Sans rire, il était plus riche que moi ce mec avec son pick-up 4×4. Et son sourire à la con, faisant comme si c’était normal, et qu’en plus il me faisait une faveur ; connard. Tabitha venait d’une autre ville de la côte où elle avait passé le week-end. On s’est retrouvé sur la route à 200m de la ferme. Elle m’a présenté les lieux, qui étaient magnifiques. Une immense maison en bois et bambou, à l’extérieur du village, à flan de vallon. Pas d’électricité (sauf si on allume un groupe électrogène, rarement), des toilettes sèches et une douche dehors, de l’eau courante potable venant directement de la montagne (elle était très très bonne, un luxe!). Un chien, des chats, des poules et des coqs. Tabitha m’a dit qu’elle était contente que je sois là, parce qu’un séjour de 10 jours de medecine commençait le lendemain, elle allait pouvoir y participer sans à se préoccuper du travail du champ, parce que je le ferai. Donc, j’ai compris que Bola arriverait le soir même avec les personnes venues d’Europe pour passer 10 jours de medecine, et là j’ai compris qu’il s’agissait d’ayahuasca. Mince alors, quelle coïncidence, moi qui m’interrogeais sur ça, j’allais pouvoir voir comment ça marche ces sessions.

Entrée de la maison

Bola et son groupe sont arrivés beaucoup plus tard, nous étions déjà couchées depuis longtemps. Je ne l’ai donc rencontré que le lendemain, pour le petit déjeuner. Il discutait avec ses hôtes tout en préparant le petit-déjeuner quand je suis sortie de ma chambre. Je me suis avancée vers lui pour le saluer et on s’est serré la main, lui me disant ah, tu es Maryvonne, et puis c’est tout, il a continué à discuter avec ses hôtes. Après le petit-déjeuner il m’a dit que Tabitha allait me montrer ce que j’allais faire. Il fallait arroser les jeunes arbres plantés jusque là, parce qu’on était en pleine saison sèche et que la pluie n’arriverait pas avant novembre. Les plantations se font en fonction de la lune et la semaine suivante il y aurait trois jours de plantation. Tabitha m’a donc menée jusqu’au champ et expliquée le jeu de tuyaux et d’arrivées d’eau avec lesquelles jongler pour arroser les arbustes. Il s’agissait essentiellement de plants de café, auxquels se mélangeaient des papayers, manguiers, bananiers, avocatiers, orangers, citronniers, etc. Et j’ai arrosé, pendant 4h. Bola m’a appelée pour le déjeuner et j’ai donc rejoins le groupe. Physiquement seulement, parce que Bola ne me parlait pas et je n’étais pas concernée ni inclues dans leurs discussions.

Côté salon de l’immense pièce à vivre

L’après-midi était temps libre pour moi, eux ils sont allés préparer le temascal. On appelle ça aussi hutte à sudation. C’est une hutte basse, armature bois et couverture de feuille de palmes, utilisées pour des cérémonies de soin. C’est un peu l’équivalent amérindien du sauna. On y met des pierres préalablement chauffées dans un feu, tout le monde est réuni autour, dans le noir. Et le guérisseur/chaman y brûle des herbes, y verse de l’eau tout en chantant, ou pas, c’est très variable en fait. Ce qui ne change pas c’est qu’on y a très chaud, plus que dans les sauna classique, on y transpire beaucoup. Les cérémonies à l’ayahusca (ou au peyotl au Mexique) sont toujours suivies d’une cérémonie en temascal. Ca aide à nettoyer l’organisme physique, de mon interprétation personnelle. Mais pas que, ça travaille aussi l’émotionnelle et les énergies internes.

Bref, quand j’étais libre ils étaient occupés. Le soir ils ne dînaient pas car ils faisaient une cérémonie avec l’ayahusca. Le lendemain je suis allée travailler avant qu’ils soient levés. Quatre heures seule à arroser des arbres, puis le déjeuner où ça ne parlait pas beaucoup. C’était quand même un séjour pour travailler sur des problématiques personnelles, alors il y avait beaucoup d’introspection dans l’air. L’après midi ils ont fait des exercices, le soir une cérémonies… Les jours passaient, et je me sentait très très déçue. Et en même temps interloquée, étonnée, par ma situation, qui me parlait et me renvoyait à mes propres problématiques personnelles ! Je ne participais pas, je ne faisais pas partie, je travaillais seule et partageais un seul repas par jour avec le groupe… je me sentais exclue, en marge, sans intérêt. D’un côté j’en voulais à Bola, de son indifférence, de ne rien partager avec moi venue participer à un projet agricole, ou au moins de ne pas m’avoir prévenue de la situation que j’allais vivre. Le volontariat c’est aussi pour partager du temps avec les gens, échanger des expériences et des histoires. Là, je me sentais un bouche-trou bien pratique, à qui on donnait un lit et des repas, sans plus. Il n’était pas accueillant du tout, pour moi incorrect dans l’accueil d’une volontaire. D’un autre côté, je me retrouvais dans une redondance de ma vie, être mise de côté, me sentir en marge des autres, me sentir sans intérêt. Ma colère était justifiée, mais en même temps son objet était un excellent exercice, me donnait un excellent miroir et l’occasion de travailler là-dessus. Et Tabitha, elle, me recevait bien, m’expliquait les choses, m’adressait la parole. L’hôte était incorrect, mais l’autre volontaire palliait aux manques.

Champ en pente, où il y a de petits arbustes de plantés mais on ne les voit pas sur la photo. Par contre au milieu, un drôle d’oiseau rapace que personne ne connaissait, même pas Bola. Une nouvelle espèce pour la finca qui en attire de plus en plus.

De temps en temps j’avais quelques échanges avec les participants, petit à petit on faisait connaissance, le temps de boire un thé. Il y avait un couple berlinois d’une soixantaine d’années, un gars quarantenaire d’Amsterdam, un jeune allemand en long voyage, et Tabitha,trentenaire d’Amsterdam également. Tabitha est quelqu’un de vraiment très chouette. Je crois que j’ai atterri là-bas pour la rencontrer elle, pas Bola. A part le jeune homme allemand, tous avait déjà rencontré Bola et participé à des cérémonies avec lui lors d’un de ses séjours en Allemagne ou aux Pays Bas. Bola voyage de temps en temps en Europe et surtout en Allemagne pour rendre visite à ses deux fils qui y vivent. Et en même temps pour faire des sessions de soin avec la medecine ayahusca/temascal. Avec ces personnes j’avais des discussions intéressantes parce que l’ambiance était à l’authenticité, à la sincérité avec soi-même et avec sa vie. Tous étaient en recherche de connaissance et d’évolution de soi, tout comme moi. Ce n’était pas du tout des allumés en quête de décollage, mais des personnes vraies, venues utiliser un outil. Au bout d’un moment ils m’ont demandé si j’allais participer à une cérémonie ; je leur ai expliqué ma situation, pourquoi j’étais là et que j’étais arrivée par hasard, sans savoir à la base ce qui se passerait. Ca les a étonné. Mais leur question a été l’ouverture d’une porte. Est-ce que j’avais envie de participer à une cérémonie ? De prendre de l’ayahusca ?

Le seul coucher de soleil vu à la finca, le temps était grisâtre tout le temps

J’avais vu deux ou trois documentaires sur l’ayahusca ou le chamanisme en Amazonie, et lu un livre sur le chamanisme qui en parlait un peu. Pour moi c’était une pratique de la selva, de la forêt. Mais en fait c’est une medecine qui se fait un peu partout en Amérique du Sud. J’avais même vu des sites cherchant des volontaires pour aider à accueillir des gens venus recevoir cette médecine. Avec toutes ces infos, j’avais une idée plutôt vague de la chose. Mais j’avais compris que c’est aussi devenu un bon filon pour se faire de l’argent et qu’il y a bonnes et mauvaises pratiques, ou du moins bons et mauvais accompagnements. Par contre, j’avais lu tout les bouquins de Carlos Castaneda racontant son initiation et les enseignements reçus par Don Juan, un chaman mexicain qui utilise, entre autre, le peyotl (bourgeons de cactus ayant la même utilisation que l’ayahusca). Et il y a quelques années un ami recevait de temps en temps, en France, un chaman de cette même ethnie mexicaine, pour pratiquer la medecine du peyotl et des temascals.

Dans la forêt

Je savais que l’ayahuasca était hallucinogène, mais qu’elle permettait aussi d’ouvrir des portes en soi, de voir et/ou comprendre nos peurs, blocages, ou toute autre élément aidant à mieux nous comprendre et avancer. Perso, les psychotropes ce n’est pas ou plus mon truc, ça me fait même un peu peur car je suis sensible/sujette aux addictions en tout genre. Mais en même temps j’avais une compréhension de cette médecine qui me disait que ça pouvait être un outil de connaissance très intéressant, si bien utilisé et bien accompagné.
La qualité et le sérieux du groupe, la concentration et le sérieux de Bola, le cadre sain de la finca et de la Nature environnante, m’ont fait comprendre que si je voulais expérimenter l’ayahuasca c’était là et pas ailleurs. Ma curiosité me disait oui. Restait ma peur des drogues et psychotropes. Au cours d’une discussion Tabitha m’a dit qu’elle aussi était sujette aux addictions et avait pris dans sa jeunesse de tout, même de ce que je ne pouvais pas imaginer. Et elle m’a expliqué que l’ayahusca n’avait rien à voir ; on reste conscient, on garde le contrôle. Il est impossible de décrire plus parce que c’est différent pour chacun, mais ce n’est pas un produit addictif et on reste en contact avec nous-même et le monde, grâce à la présence et l’accompagnement du chaman (chant, herbes brûlées, etc).

Dans la forêt

Je sentais bien que je voulais essayer. Mais je n’étais pas à l’aise avec la décision. Je ne prends plus rien de psychotrope depuis huit ans, à part le chocolat (si, ça en est, je le sens), et participer à une cérémonie me faisait un peu l’effet de décider de prendre une taffe de cigarette ou de boire une bière.
Mais, je savais que ce n’était pas pareil. Alors j’ai décidé de tenter l’expérience et de demander à Bola si je pouvais participer à une cérémonie pendant le week-end. Il m’a répondu que oui, il y aurait une session à son camp près de la rivière, on irait y passer la nuit du samedi soir.
J’avais un trac fou. Avant de travailler avec la medecine il faut aussi définir ce que l’on veut élucider, quelle est la question, la demande, que l’on fait à l’ayahuasca. La liste était longue ! J’appréhendais car ça peut aussi être une expérience désagréable, par les réactions physiques, par des visions terrifiantes nous faisant travailler nos pires peurs, etc. Mais en même temps j’avais confiance parce que, là comme ailleurs, ce qui se passe est ce qui doit se passer.

Paysage de la forêt sèche

Le samedi après-midi nous sommes partis pour le camp, à pieds à travers la montagne. Avant de partir Bola nous a fait sniffer une sorte de teinture mère de tabac. Ce n’est pas agréable, ça pique le nez très fort et ça coule dégueu dans la gorge. Je n’ai rien senti comme effet physique, mais après j’étais plus joyeuse.
Le camp était un lieu tranquille au bord d’un petit torrent, avec deux grands abris en bambous. Bola nous a montré un trou sur le bord du chemin qui menait aux toilettes, nous expliquant que c’était le nid d’une grosse araignée. Très grosse araignée, la taille d’une main, la paume étant le corps et les doigts les pattes. Le couple d’allemands, déjà venus il y a trois ans, l’avait vue la dernière fois et confirmait qu’elle était énorme. Le but du jeu était de se balader en botte, surtout la nuit. J’étais dégoûtée et en même temps attirée ; je n’aime pas les araignées, mais justement, j’aurais bien aimé rencontrer une reine des araignées.

Piscine naturelle

Le petit rio

Nous avons installé nos hamacs, puis Bola nous a invité à aller nous baigner, mais de passer le voir avant. Avant le bain il nous soufflait du tabac dans les narines avec une paille en bambou. C’est moins désagréable que la teinture mère. Le bain était génial. J’adore ça, me baigner dans les torrents. Ici il y avait une succession de petit bassins, l’eau était très fraîche et ça faisait du bien. J’étais heureuse comme tout, toute joyeuse. C’est là que j’ai fait le lien avec les prise de tabac dans le nez. Mais c’était vraiment bon de renouer avec ma joie. Ca faisait très longtemps que je ne m’étais pas sentie aussi heureuse. C’était fantastique pour moi, d’être là, au milieu de la forêt tropicale, nue dans l’eau de la rivière, avec la végétation dense et magnifique tout autour, le chant des oiseaux, le cri des singes hurleurs au loin. Je me disais aussi que c’était bon, très bon, de faire partie d’un groupe. De faire partie de quelque chose, d’être un élément de quelque chose.

Plante épiphyte

Arbre torsadé

Après le bain je me suis allongée dans mon hamac après m’être servie un thé. Et puis nous avons attendu la nuit. Chacun en silence, chacun en conversation avec soi-même, avec l’environnement, avec les sons, avec nos questionnements.
Quand le moment de prendre l’ayahusca est venu, nous nous sommes tous assis autour du feu. Le goût n’est pas dégueu, mais j’ai pas trop aimé. Il se passe pas mal de temps avant de sentir des effets, du moins pour moi. J’ai commencé à avoir des troubles de la vision, j’avais du mal à me focaliser sur quelque chose. En fait je ne pouvais pas me tenir debout, je n’avais plus d’équilibre, ça vacillait. Et je me sentais de plus en plus dérangée par ce que j’avais avalé. Je n’aimais pas avoir ça en moi. Je n’avais pas envie de vomir, mais j’avais un truc dans mon estomac que mon corps ne voulait pas. Et puis quand je fermais les yeux j’ai commencé à avoir des images, des visions incessantes de la forêt, la jungle, la dense forêt amazonienne. Et puis la nausée est venue. Et merde. Les yeux ouverts je n’étais pas bien du tout, envie de m’allonger, consciente de ne pas pouvoir me lever, le corps malade. Les yeux fermé j’étais entrainée dans un voyage, celui de la vie de la forêt, les couleurs étaient vives, irréelles. Tout se transformait tout le temps, rien ne restait fixe. Mais physiquement ça n’allait pas.

En attendant la nuit

Bola et son maté

Un peu de thé

Je me suis approchée du rebord de l’enceinte qui était à 1,5m de moi, et je me suis penchée. Les spasmes sont arrivés très vite et j’ai vomi. Chouette. Sauf que ça n’a rien arrangé, j’étais aussi mal après.
Bola s’était mis à chanter depuis un moment déjà, et c’est vrai que ça aide, ça nous relie à où l’on est et pourquoi on est là. Je suis restée assise sur le bord de l’enceinte pendant pas mal de temps. Régulièrement j’avais des spasmes, très forts. Plus rien à vomir mais mes tripes se contractaient quand même, se tordaient. Sur le coup je me disais que mon corps n’aimait vraiment pas le produit, mais je me demandais aussi ce que j’étais bien venu foutre dans cette galère. Ca m’a rappelé mon mal de mer sur le bateau entre Gibraltar et Les Canaries ; redondance. Avec le recul j’ai réalisé que c’était un nettoyage du foie assez carabiné. Au bout d’un moment les spasmes se sont calmés et j’ai réussi à me lever, faire un pas et m’allonger dans mon hamac. C’était mieux. Physiquement je me sentais mal, je ne voulais plus bouger. Les yeux fermés le film continuait, des arbres poussaient, avancée vers les feuilles, deux feuilles, qui deviennent les yeux d’un jaguar, qui regarde paisiblement sur le côté, des fleurs éclatent devant, deux tiges sont les mandibules d’une araignée, on entre dans ses yeux où plein de gouttes bleues défilent, une libellule passe, etc. Ca n’arrêtait jamais. J’avais pleinement conscience de mon mental, qui commentait tout, mon état, ce qu’il voyait, ses interprétations, etc. Le blabla également incessant était là, et faisait partie du tout. Et puis il y avait également des pensées qui arrivaient, des idées. Et ça c’était vraiment intéressant. Au travers de mon mal physique, mon mental essayant de se raccrocher à quelque chose, le film de la vie infinie devant les yeux, j’avais des compréhensions et des réponses à des questions. Comme des évidences qui s’installaient en moi, des apaisements, des pièces de puzzles remises en place.

Bougies, herbes et medecine

Le feu, le repére

Petit à petit la nausée a diminué, les visions se sont estompées, le calme de la nuit prenait de plus en plus de place. Bola avait chanté beaucoup, pas en continu mais régulièrement. A présent il mettait des herbes dans le feu, de l’arbre Palo Santo, elles parfumaient agréablement l’espace. J’étais HS. Plus vraiment malade mais je restais écoeurée. Mais très calme, et j’essayais de m’endormir, mais impossible. J’ai repensé à ce que j’avais vécu, pour essayé de comprendre et faire le point. C’est ce que je vous ai raconté, sans parler des informations et réponses que j’ai eu, parce que c’est personnelle et on s’en fout, ce n’est pas le sujet. J’avais envie de dormir, je voulais me reposer, mais le temps passait et rien.
En fin de nuit j’ai du dormir deux heures seulement.

Vue depuis mon hamac

Cependant, à mon réveil je n’avais pas envie de dormir plus. J’étais léthargique, sans force mais sans sommeil. J’étais bien, juste là, dans mon hamac, à regarder la forêt, écouter ses sons, regarder les autres se déplacer, ou pas. Bola a expliquer que quand on le voudra il faudra aller se baigner, tranquillement, sans s’activer, en observant ce qui se passe en nous. Franchement, à ce moment là je n’avais pas du tout envie d’aller me baigner dans l’eau froide. J’avais eu froid la nuit, et je voulais rester tranquille dans mon sac de couchage.
Ce que j’ai fait. Jusqu’à ce que j’ai envie de me lever, je crois pour aller pisser. Tout était lent. Et puis j’ai eu envie d’aller me baigner, je l’ai dit à Bola, qui m’a encore soufflé du tabac dans le nez. Les autres s’étaient déjà baignés donc j’étais seule dans le petit bassin, et c’était génial. Je me laissais flotter dans cette eau fraîche entourée de vert profond. Je me sentais vraiment bien et joyeuse, au point de rigoler toute seule. J’ai oublié de vous dire tout à l’heure, la veille il y avait de grosses araignées noires sur la roche autour du bassin. La plus grande faisait également la taille d’une main, mais le corps était petit, 2cm de diamètre. Par contre les pattes étaient longues et fines. Il y en avait pas mal, elles ne bougeaient pas, peut-être qu’elles attendaient leurs proies. Ce matin là elles n’y étaient plus. Et je n’ai pas vu la reine des araignées à la sortie de son trou.

Bola descend vers l’eau

En fin de matinée nous avons pris la route de retour. L’après-midi nous nous sommes reposé et préparé le temascal pour la fin de journée. Ca je préfère, j’adore les saunas. Ici c’est particulier, parce que c’est une vraie cérémonie, avec des herbes médicinales brûlant sur le feu, des chants, et on ne sort pas quand on veut pour aller sous la douche froide. D’ailleurs ce coup-là avait été assez difficile ; il y a eu 4 rounds, c’est à dire que Bola est sorti trois fois pour rajouter des pierres brûlantes au centre de la hutte. Non seulement la température est de plus en plus chaude, mais il y a de moins en moins d’air dans l’enceinte, c’est ça le plus difficile. A la fin j’étais allongée et respirais profondément en soufflant fort, pour avoir plus d’oxygène.

Au cours d’une balade dans la réserve naturelle qu’il y avait pas loin

Baignade délicieuse, au cours de cette balade seule la veille de mon départ

Le lendemain je me sentais bien et était ravie de retourner au champ. J’ai passé trois matinées à arroser des jeunes plants que Angel et René, les deux ouvriers de la ferme plantaient ; on était en jour fruit, il fallait en profiter pour planter les fruitiers. C’était plus agréable de travailler avec eux que toute seule. Et eux ils étaient contents que je sache parler un peu l’espagnol, au moins ils pouvaient communiquer. On a pas mal rigoler ensemble. Le reste du groupe continuait les exercices et les cérémonies. Arroser des arbres pendant quatre, ça ne me dérange pas. Tabitha trouvait ça rébarbatif, mais moi j’aime bien ça, prendre soin des plantes, tranquillement. Je peux faire la même chose pendant longtemps, tant que c’est utile et pas désagréable. En plus c’est comme une méditation. C’est bon pour être dans le moment présent, pour observer mes pensées. Je continuais à faire le point sur ce que j’avais vécu et de nouvelles réflexions et points de vue sont apparus. Et puis quelques autres questions aussi. Bola m’avait dit que la première fois avec l’ayahusaca il y a toujours un nettoyage, les autres fois c’est différent. J’avais envie de refaire une autre cérémonie. Ca a été le mercredi soir, avec un groupe différent. Le couple d’allemands était reparti et une israélienne était arrivée le jour même pour passer deux nuits et recevoir la medecine avec Bola, dont elle avait entendu parlé durant son séjour à Quito. Elle était arrivée avec la sœur de Bola et un ami à eux, également guérisseur, dans les Andes, mais ne travaillant pas avec l’ayahuasca. Et c’était vraiment chouette de faire une cérémonies avec eux, avec des personnes locales, ça change tout je trouve. Ils ont vraiment le respect de la plante comme une entité à part entière, ils pratiquent avec beaucoup d’humilité et de bonté en eux, comme en présence d’une déesse bonne amie. Les gens étaient plus variés aussi, et vraiment beaux.

Dans la Réserve naturelle

Une autre piscine de luxe

Bola m’a donné une dose un peu plus grande que la première fois, comme c’est l’usage. Quand je l’ai avalé, j’ai senti que mon corps n’en voulait toujours pas. Je n’avais mal nulle part, mais j’avais un truc dedans qui ne devait pas rester dedans. Cette fois-ci je pouvais me lever et marcher, ce qui m’a servi à aller au toilettes alors que l’effet commençait. C’était bizarre, je marchais mais sans grand équilibre. Assez vite je me suis allongée dans mon hamac, en espérant que je n’allais pas être malade. Oui, mais comment ne pas vomir et en même temps faire sortir ce corps étranger que je ne voulais pas faire mien ? Ah, comment ? Quand je fermais les yeux j’avais à nouveau des images de Nature qui défilaient, mais pas que. Il y avait aussi des gens, des scènes, auxquelles se mêlait toujours la forêt mais pas avec les mêmes couleurs flashy. L’état nauséeux, bien que moins fort, était quand même là et à un moment je suis allée vomir. Ca allait un peu mieux ensuite, et au moins le produit n’était plus dedans. Je restais allongée tranquillement, regardant les images derrière mes paupières et observant les pensées. Là encore j’avais plus nettement que d’habitude la différence entre mon mental et mon esprit. Et c’était effarant de constater à quel point mon mental disait toujours non à mon esprit, toujours. Par exemple, alors que ça allait bien, mon esprit m’a dit lève toi et va dehors pour vomir (sachant que je ne pouvais pas sauter du hamac, qu’il fallait mettre mes sandales, me lever, etc), et bien du tac au tac mon mental répond « non, ça va, je reste là ». Et quelques minutes plus tard je devais me lever, pas le choix. « Tourne toi sur le côté gauche, tu seras mieux » « non, veux pas bouger, ça va aller sur le dos »… Là j’ai commencé à remarquer mes « non » systématiques. J’ai joué le jeu, je me suis tournée sur le côté gauche, et je me suis sentie mieux. Ca a été une des « leçons » de cette session, je ne m’écoute pas tant que ça en fait. Ma raison, mon mental veut garder le contrôle et j’ai besoin d’avoir un argument pour faire quelque chose. Alors que mon esprit donne de bonnes infos et que je ne lui fais pas assez confiance. En lien avec la question que j’ai posé en début de séance, j’ai eu les réponses à mon manque de confiance et d’estime de moi, et j’ai aussi compris à quel point j’avais tout à l’intérieur. Pas besoin d’ayahuasca pour m’écouter, il me suffit d’être plus attentive à mon fort intérieur et les réponses viennent tout autant.

Retour en suivant le rio

Au cours d’une virée à la plage avec le groupe

Voila, j’avais eu mes réponses et je me sentais plus apaisée, plus en accord avec moi-même. Mais je savais que ça s’arrêtait là, mon corps n’aimait pas du tout ça, et j’avais de quoi avancer par moi-même.

J’ai quitté la finca deux jours après et suis restée deux nuits dans un petit hôtel au bord de la plage de Canoa. Un hostel tenu par une américaine et un terre-neuvien, super sympa. Je leur ai demandé un lit en dortoir, mais elle m’a donnée une chambre avec salle de bain privée pour le même prix, parce qu’il n’y avait presque personne dans l’hôtel, alors autant que je sois confort. Devant moi la plage et les vagues, loin de la ville, l’idéal pour un petit break avant de rejoindre Quito, puis quitter le continent. J’ai fait une cure de fruits, je me suis baignée dans les gros rouleaux pacifiques, j’ai été courir sur la plage le matin. Je me sentais bien.

La grande plage de Canoa

Rue de Canoa, qui me faisait penser à Puerto Lopez : le long de la plage pour les touristes, l’arrière pour les gens normaux

Le soir approche

Le soleil se lève en Asie

A Quito j’ai trouvé un hostel tout neuf dans le centre historique, tellement neuf qu’il faisait des prix très bas pour le niveau de confort des dortoirs. Je me suis promenée une dernière fois dans l’ambiance latine et les belles rues du vieux Quito. J’ai préparé mon départ et puis j’ai pris l’avion pour Atlanta, puis Tokyo, puis Singapour.

Un autre continent, dont je ne connais rien.

Faubourgs de Quito

Marie veille sur Quito

Le centre historique de Quito est vraiment joli et agréable

Dernière photo, en marchant vers l’arrêt de bus, pour aller à l’aéroport