Guatemala – 3ème et dernière partie : Atitlàn

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Me voilà à nouveau dans un minibus, pour 10h de route jusqu’à Antigua, célèbre ville touristique à l’ouest du Guatemala. Rien d’autre à faire que de regarder les paysages, ce que j’adore. Et progressivement nous sommes passés de la montagne verdoyante à de la plaine beaucoup plus sèche. Du vert vallonné au jaunâtre plat et beaucoup plus urbanisé. Nous rejoignions ce qu’on appelle le monde développé. Au cours des deux pauses j’ai discuté avec la canadienne qui avait fait un scandale au moment du départ (voir l’article Guatemala – 2ème partie : Lanquin). Elle m’expliquait qu’elle savait bien qu’ils n’y étaient pour rien, mais elle voulait faire pression pour que ce problème connu soit résolu.
Mais qu’est-ce qu’ils pouvaient y faire ? L’arnaqueur de Flores a déjà fait de la prison, comment l’empêcher de vendre des billets ? Personnellement, dans l’affaire c’est moi qui est été bien conne, parce qu’il était évident que ça sentait mauvais. C’est la vie et j’ai appris, et puis surtout c’était derrière, à présent je m’en foutais. J’ai également discuté avec un londonien super sympa, jovial et ouvert à tout ce qui l’entourait. Il tient une petite agence touristique à Londres (je pense que c’est pour des circuits intra-muros) et pendant la saison creuse il voyage. Il était donc en vadrouille pour 3 mois, tout seul, discutant avec tout le monde.

A Antigua j’étais attendue par Pancho, un architecte maraîcher contacté par Couchsurfing et qui acceptait de me loger pour deux nuits. Je ne me donnais pas plus de temps à Antigua, je ne me sentais pas rester longtemps en ville.
En passant par Guatemala city, la capitale, nous avons subit les bouchons d’un vendredi en fin de journée. Ca grouillait de voitures et de monde. Je me souviens regarder tout cela comme un spectacle, celui de vies humaines à Guatemala city un vendredi en fin de journée. J’aimais bien.

Seul Jesus peut changer ta vie. La moitié de la population est évangéliste et il y a de nombreux slogan sur les murs des villages.

J’étais fatiguée en arrivant. Il était plus tard que prévu, et je regrettais presque d’avoir un couchsurfing au lieu d’un hôtel ; je ne me sentais pas en forme pour converser. Mais les dés étaient jetés, alors j’ai laissé filer les regrets et ai juste suivi la curiosité de savoir comment ça allait se passer. A la rencontre de quoi j’allais ? Surprise. Surprise du voyage, surprise des rencontres, surprise de la roue qui tourne quand on se pousse en dehors des terrains connus. Dans ces moments là il y a deux parts en moi ; une qui a peur, que ne veut pas, qui ronchonne, et puis une qui est calme, qui s’amuse du suspens en sachant que de toute façon ce sera une bonne expérience. J’ai le choix de me positionner sur l’une ou l’autre part et, avec l’aide d’une bonne respiration, je me cale sur ma partie calme et amusée. Et puis je laisse venir les choses.

Pancho m’avait donnée un code pour l’entrée, mais c’est devant tout un quartier fermé que je suis arrivée. Des hauts murs, des barrières avec des gardes armés et un portillon piéton avec le code. Je crois que j’ai du montrer mon passeport, mais je ne me souviens plus très bien. J’étais en touctouc et il a pu entrer avec moi pour finir sa course, du coup il a chercher la maison pour moi en demandant sa route deux fois.
L’adresse était celle d’un grand bâtiment de plain pied, un grand carré avec un patio au milieu et des appartements tout autour. Charmant. Pour entrer dans l’appartement il fallait descendre quelques marches, ce qui donnait de la hauteur au plafond et permettait une grande mezzanine. Là-haut c’était son bureau mais aussi la chambre des gens de passage ; trois lits et une salle de bain, plutôt classe. En bas c’était une grande pièce avec beaucoup de boiserie, style campagnard. Il y avait plein de beaux tableaux, de jolies sculptures, une belle musique flottait dans l’air ; de la culture et des moyens. Ce n’était pas un grand causeur, donc à nous deux ça a été une soirée très calme. Il avait cuisiné des burritos et on a commencé à faire connaissance en les dégustant avec de la salade.

Au bord de la route il y avait beaucoup de ces arbres à fleurs mauves, très jolis dans le paysage.

Il est architecte le lundi et le mardi, maraicher le mercredi et le jeudi, en vacances le vendredi-samedi-dimanche. Cool non ? Surtout qu’en guise de maraichage, il gère une ferme qui produit surtout des verdures qui sont vendues localement à des restaurants et petits magasins. Et cette ferme sous-traite avec 20 autres petits producteurs pour pouvoir fournir. En gros, il a beaucoup d’employés. Ceci dit, son histoire est bien intéressante. Il est arrivé à l’agriculture par sa femme (dont il est aujourd’hui divorcé) qui est biologiste et à mis en place la première ferme bio du Guatemala. Ils vivaient alors à Cobàn (grande ville à 2h de Lanquin) et elle s’étaient lancée dans ce super projet. Le problème était que le Guatemala, et l’Amérique latine en général, est très très macho. Et les employés de la ferme ne voulaient tout simplement pas l’écouter. Pancho a donc mis un pied dans l’affaire pour au moins servir d’intermédiaire entre sa femme et le personnel essentiellement masculin. Ca lui plaisait bien, il aime faire des trucs différents, c’est pourquoi il continue ses deux activités à présent. Ce n’était pas facile, parce qu’il n’y avait pas de certification bio au Guatemala. Ils payaient donc une certification étatsunienne (très chère) et avaient eu un contrat pour une production de brocolis bio à faire livrer aux Etats-Unis. Ca pouvait le faire, mais une année de sur-production on leur a dit qu’on ne leur prenait que la moitié. Ceux qui connaissent le Guatemala comprendront que le marché du brocoli bio là-bas est quelque peu restreint. Bref, je passe les détails que je n’ai pas forcément compris, ils ont coulé.
Ceci dit, en parallèle ils ont aidé beaucoup de petits paysans dans la région de Cobàn, en leur apprenant des techniques bio (moins couteuses qu’avec achats de produits phytosanitaires), en les aiguillant sur de l’agroforesterie, etc. Avec de la production de bois ils ont aussi pu ouvrir un atelier de fabrication de jouets et d’outils en bois. Maintenant quelques villages sont autonomes en nourriture et en entrée d’argent grâce à ça.
Ce genre d’histoire m’émerveille et m’intéresse beaucoup. J’aimerais bien faire des choses comme ça, servir de lien entre certaines connaissances et réseaux et des populations locales qui peuvent conserver leur autonomie.

Je n’ai pas de photo d’Antigua, je ne sais pas où elles sont passées. Mystère. Je meuble avec une nature morte.

Pancho est un fana de music live. Il va pratiquement tous les soirs écouter des concerts dans des bars d’Antigua, ou du moins surtout un. Il m’a proposée de l’accompagner, et ma première pensée a été « non, je suis fatiguée, j’ai envie de rester tranquille et moi je m’en fou de la musique live ». Oui, j’ai ce genre d’imbécile en moi, et je vous jure que c’est lourd. Je la travaille au corps mais elle est coriace. Ma deuxième pensée a été « Saute sur l’occasion, tu t’en fous d’être fatiguée, tu n’es pas sortie depuis des années, jette les dés » et je ne l’ai pas laissé retomber : elle a fait un tacle à la première et est sortie en mots : « ok, super, avec plaisir ».
Nous avons rejoins un bar dans le centre, où il y avait beaucoup d’étrangers entre 25 et 35 ans. Ambiance plutôt rock. Lumière tamisée, coins obscurs, décor en faux délabrés, affiches rebelles, mots écrits sur les murs. Il y avait une petite table libre juste en face de l’espace réservé au chanteur, on s’y est installé. Ce soir là c’était du rock-country-blues, un truc comme ça. Un américain à la voix éraillé s’accompagnant à la guitare. Beaucoup de personnes avaient une bière à la main, un petit verre dans l’autre ; j’ai su après que c’était de la téquila. Le chanteur aussi s’envoyait un verre de téquila de temps en temps. Je ne sais pas ce que buvait Pancho, un alcool fort en tout cas. Moi j’étais au jus de cranberry, c’était bon.

Pancho à l’autre bout du petit comptoir

J’ai passé un super moment. La musique était chouette, il y avait plein de choses qui remontaient. Ca faisait vraiment beaucoup d’années que je n’avais pas baigné dans une ambiance comme ça. Et pourtant ça a aussi été ma vie pendant pas mal de temps. Je regardais les gens ; en fait peu écoutaient la musique. On ne va pas au bar pour réellement écouter de la musique, du moins quand on est jeune ; c’est mieux si elle est là mais boire, fumer, essayer de parler aux autres, c’est plus important. Peu étaient sereins également. Il y avait ces jeux de faire genre, les plaisirs de l’ivresse, les yeux qui se ferment sur une bouffée de tabac. Je regardais un film, avec une bonne bande originale. Une personne sur deux qui entrait saluait Pancho, c’est une figure connue du lieu. Il buvait en regardant le chanteur, calmement mais souvent. Je me souviens que le temps de finir mon verre il en avait bu trois. Je crois que j’ai bu trois verres. J’espérais qu’il était stable dans l’alcool et que le personnage n’allait pas changer.

Décor rebel

Décor pas rebel

Décor rebel

Nous sommes restés jusqu’à la fermeture. Il a tout réglé avant que je m’en rende compte, pour lui c’était une évidence, il n’y avait rien à dire. Mes trois jus de fruits faisaient en fait peu de poids devant ses huit ou neuf alcools forts, je pense que sa logique était ça. Il était stable dans l’alcool et on est rentré tranquillement sans problème.
Un drôle de personnage quand même. Genre Jean Reno avec des cheveux longs, une cuche et moins souriant. En tout cas il impose.

Le lendemain matin j’ai visité la petite cour sur laquelle donne son grand appartement et dans laquelle il a aménagé une terrasse, des plantes, un barbecue, et surtout une belle fresque en construction : celle de messages écrits par tous les couchsurfers passés chez lui. Il y avait des phrases philosophiques, des citations, des extraits de poèmes ou de livres, des mots tout simples, des dessins, etc. Il y avait une carte de la Bretagne laissée par un congénère quelques mois plus tôt et indiquant les bons coins à visiter en Bretagne, avec en gros Lorient et son festival : un amateur de live music doit aller à Lorient, c’est certain, et je le lui ais redit. Parce qu’il projette une virée en Europe au mois d’août avec si possible des lieux de concerts, au Portugal, Galice, Bretagne et peut-être Angleterre. Si vous voulez le rencontrer à Lorient cet été je peux vous mettre en contact.

Décor de concert

Il m’a dit qu’une amie à lui allait venir ce soir là pour aller voir un concert et passer la soirée ; si je voulais je pouvais les accompagner : ok, super, avec plaisir ! On s’est donné rendez-vous pour 18h, et je suis sortie à la découverte d’Antigua. Mon premier objectif était d’acheter un téléphone. Ca fait vraiment un bien fou de ne pas en avoir, mais ne pas avoir de carte sous la main m’handicapait beaucoup. Margaux m’avait fait découvrir l’application Mapsme qui permet de télécharger gratuitement des cartes de tous les pays : pas besoin de connexion internet et il y a plus de détail qu’avec google map. Je voulais un appareil qui puisse faire des photos pour continuer à poster facilement sur Instagram et à utiliser Whatsapp en cas de besoin. Mais pas un truc trop cher, me connaissant j’ai encore des chances de le perdre ou me le faire voler alors …

Ca m’a bien pris deux heures, le temps de trouver différents magasins, comprendre comment c’est organisé tout ça, faire mon choix. Ensuite je me suis assise sur des marches pour envoyer un mot à Stéphane, qui était aussi quelque part dans la ville. On ne s’était pas vraiment dit au revoir parce qu’on allait au même endroit, mais je voulais quitter Antigua dés le lendemain, avec la soif de me replonger seule dans l’aventure du voyage. Je voulais m’immerger dans la langue espagnole et les quartiers populaires, je voulais aller à la rencontre du pays. Ca faisait plusieurs semaines maintenant que je côtoyais des français, que j’appréciais beaucoup, mais je voulais quitter à nouveau ces terrains connus et aller à la découverte. Retrouver la sensation de saut dans le vide ; je ne l’ai que quand je suis seule.

https://www.youtube.com/watch?v=lTZQ8VKq_Uo&w=700&h=420

Un clown!
Vous pouvez aussi voir comment sont les rues d’Antigua. Que des maisons basses, de vieilles bâtisses avec des patios, des jardins intérieurs, des fontaines. Tout très propre et bourgeois.

Donc je voulais dire au revoir à Stéphane, lui faire un gros hug et lui souhaiter le meilleur. J’étais en train d’écrire, le nez plonger dans mon nouveau téléphone que je trouvais déjà nul, quand quelqu’un s’est arrêté devant moi, sans rien dire : c’était lui. Au moins, ça s’était réglé. On a bien ri de la concordance des temps, et c’était reparti pour quelques heures de déambulation commune. Le marché (immense et génial), des boutiques, les ruelles, un salon de thé. C’est passé assez vite tout ça, il m’a raccompagnée jusqu’à la forteresse où je logeais (ça le rendait curieux) et puis on s’est dit au revoir, avec un gros hug et plein d’amitié.

Quand je suis rentrée chez Pancho, il prenait l’apéro sur la terrasse avec son amie Angela, pendant qu’une pizza cuisait dans le four. Nous avons donc fait et continué à faire connaissance en dînant, avant d’aller au concert. J’ai bien sympathisé avec Angela. C’est une des meilleures amies de Pancho et elle s’était laissée convaincre par lui de venir passer le week-end à Antigua, pour changer d’air. Elle habite et travaille à Guatemala city, et elle était en chagrin d’amour à se morfondre chez elle. Elle m’a dit qu’elle était venue un peu à contre cœur, plus pour que Pancho arrête de la tanner, mais à présent elle était ravie d’être là.
Il s’agissait d’aller voir une chanteuse guatémaltèque, chantant des chansons traditionnelles et très populaire dans le pays. A priori ça ne m’exaltait pas plus que ça, j’y allais pour découvrir et continuer à passer du temps avec des nouvelles relations. La chanteuse s’appelle Mercedes Escobar, et ça a été un moment magique. Elle m’a époustouflée par sa simplicité, sa présence et sa voix.

Mercedes Escobar

Elle était seule sur scène, avec sa guitare. Pour deux ou trois morceaux un ami d’enfance à elle est venu compléter l’accompagnement avec sa propre guitare. Et un autre chanteur rencontré la veille est venu chanter un morceau avec elle.
A côté d’elle, un tabouret avec un verre et bouteille de tequila. Quand elle a pris son premier verre elle l’a tendu à la salle en disant « salud » et en disant que tout le monde allait trinquer avec elle. Et des femmes sont entrées avec des plateaux pour distribuer un verre et une tranche de citron à tout le monde. J’étais assise à côté d’Angela et elle était super motivée comme une latine peut l’être, j’ai pris un verre aussi pour le lui donner. Par la suite certains retendaient leur verre pendant le concert pour avoir un autre, elle l’a fait à chaque fois.

Guitare guatémaltèque

Il y a aussi un verre d’eau à côté de la bouteille de téquila

Ami accompagnant de temps en temps

Collègue venu chanté un morceau

L’ambiance montait au fil des chansons, les refrains repris en cœur ou les Olé! criés après un couplet bien placé dont je ne comprenais pas souvent le sens.
Une allégresse, la joie d’une assemblée qui s’amuse vraiment au son de belles chansons qu’elle connait depuis toujours, parce qu’elles parcours pour la plupart toutes les cultures d’Amérique latine. Il y en a même une que je connaissais, pour avoir été reprise par feue la chanteuse Lhasa de Sela.
Vraiment une belle découverte. Si vous avez l’occasion de voir Mercedes Escobar un jour, allez-y.

https://www.youtube.com/watch?v=Wb8eNzSfgBw&w=700&h=420

Avec le son

Quand on s’est levé pour partir, vers 22H, Angela avait du mal à tenir debout, et elle m’adorait, du coup elle me tenait bien le bras ce qui devait l’aider un peu en plus. Pancho tenait toujours aussi bien la route et souriait, amusé des frasques de son amie. Dans la rue il a donné un billet à un gars qu’il avait chargé de surveiller la voiture et on est reparti. Pour s’arrêter devant le même bar que la veille. Suis-je bête, il n’était pas tard pour les gens qui sortent.
A l’intérieur, il y avait plus de gens que la veille, toujours aussi diversifié en âges et nationalités. Le chanteur était le même, avec le même chapeau et le même répertoire, mais accompagné par un autre gars au violon. C’était encore mieux que la veille. Il n’y avait pas de place assise donc je me suis calée dans un coin pour écouter, un verre de jus de cranberry à la main et mon appareil photo pas loin. Pancho et Angela étaient au bar en grande discussion. Quand on ne comprend pas bien une langue c’est encore pire dans un milieu très sonore alors je n’ai même pas essayé de me joindre à eux. J’ai continué mes observations, pris des photos et savouré le moment. J’aimais bien le personnage du violoniste. Deux fois il a joué la célèbre gigue irlandaise Swallowtail. Elle me transportait, avec un crescendo envoutant et une tonalité folk-rock, c’était génial. J’ai dit à Pancho que ça me rappelait le pays, il ne comprenait pas, il m’a dit que le musicien venait du Missouri.

Les deux musiciens américains

Angela et Pancho

Gigue endiablée

A la fermeture, Angela était vraiment pintée et même Pancho titubait un peu. Heureusement, la maison n’était pas loin et il n’y avait pas de circulation dans les rues. Angela se moquait des cheveux longs de Pancho en lui disant que les guatémaltèques n’aimaient pas ça et qu’il fallait qu’il les coupe. Lui il rigolait en lui disant que c’est justement parce que les femmes guatémaltèques n’aimaient pas ça qu’il les avait long.
Normalement Angela devait dormir aussi dans un des lits du bureau en mezzanine, mais elle en a décidé autrement en allant directement dans la chambre de Pancho. Est-ce qu’une amitié de 20 années a changé de nature ce jour là ? Je n’en sais rien. Quand je me suis levée le lendemain ils étaient toujours couchés, et je suis partie après avoir laissé un mot sur le mur de la terrasse. Des remerciements et une citation : « Il y a des moments qui en valent la peine, et je veux être de ces moments » Karen Blixen dans Out of Africa.

Je n’avais qu’une idée en tête, aller à ce fameux lac Atitlàn qu’il fallait que je vois avant de décider de la suite. Mais je n’avais pas envie de décider autre chose. Je voulais monter dans un chicken bus redouté par de nombreux touristes, me lancer dans le flot de la vie locale et me débrouiller comme je peux avec mes casseroles de gringa. Je ne savais pas où j’allais dormir le soir, n’avais vraiment aucun but, voulais jouer aux dés du pseudo hasard.

Un Chicken bus

Le Lac Atitlàn est connu pour offrir de beaux paysages avec notamment la présence des deux volcans qui le bordent : volcan San Pedro et volcan Atitlàn. Il est aussi connu pour héberger pas mal d’expatriés occidentaux dans la mouvance new-age babacool. Mouvement qui date des prémices avec l’arrivée de hippies dans les années 60’s. Médiation, yoga, bio, végétarien, artisanat, fait main, naturel, Ecotruc, Zenomachin, sont donc des termes qui se retrouvent un peu partout dans les annonces et noms d’hôtel de la zone. Ce n’était pas trop ce que je cherchais, mais je voulais voir. Le village le plus connu est San Pedro de la Laguna, réputé pour être le plus touristique. D’après Pancho c’est là que la première vague hippie est arrivée dans les années 60-70’s. Ensuite, quand les autres vagues plus bobo mais aussi teuffeuse est arrivée, les anciens n’ont pas trop aimé la rupture avec les fondamentaux et ont été plus sur San Marco laissant San Pedro aux nouveaux venus. Dit comme ça, je ne pensais pas trop trainer à San Pedro. Il y a pas mal de jeunes touristes altermondialistes en Amérique latine, dont le groupe des dreadlocks sur tête, techno-trans dans les oreilles, pétard ou alcool ou autre substance dans les veines. Egalement beaucoup de gens qui veulent changer le monde tout en le fuyant, en ouvrant des centres de yoga et méditation. Je l’ai déjà dit, je sais. C’est parce que ça commence à me gonfler un peu tout ça. Et je n’ai rien contre le yoga et la méditation, j’ai pratiqué et ça m’arrive encore. Mais pour moi c’est comme la douche. Ce n’est pas parce qu’on a découvert que se laver le corps c’est bien qu’on reste fixé dans la douche, qu’on ouvre des centres de douches pour apprendre à se doucher et que plus on se douche mieux c’est. Non. On se douche de temps en temps. Le yoga et la méditation c’est pareil, c’est une douche des idées, des énergies. Quand c’est fait on revient dans la vie courante et on essaie de garder les idées propres dans l’action et les relations. Pour moi c’est la vie courante humaine notre sujet de vie, pas le monde des esprits. Ceci dit, chacun passe par plein d’étapes. Apprendre à se doucher quand on ne l’a jamais fait ça peut beaucoup aider.

Carte du lac Atitlàn, avec le nord en bas et le sud en haut

Pouf, pouf.

Le deuxième chicken bus que j’ai pris m’a amenée jusqu’à Panajachel, sur la rive nord-ouest du lac. La route descend beaucoup entre Solola et Panajachel, et la vue est époustouflante. Je ne m’attendais pas à un tel spectacle. Rien que pour ça je me suis dit que j’étais contente d’être là.
Si vous regardez la carte, Panajachel fait face à une anse dans laquelle il y a Santiago de Atitlàn. L’entrée de cette anse est bordée des deux volcans. Dans le bus je faisais face à un grand lac, avec deux grand volcans dans le fond entre lesquels il y avait un passage pour je ne sais où ; je ne savais pas alors que c’était juste une petite anse. Le spectacle faisait un décor de film fantastique ; je pouvais m’attendre à voir des dragons voler autour des volcans, imaginais bien une ville elfique derrière l’étroit passage et des grottes de troll dans les parois.

Vue du Nez de l’indien depuis San Juan. La montagne en face fait un profil d’indien, avec une arcade sourcilière marquée à gauche, puis le plus haut sommet qui fait le nez, puis la bouche très plate.

Ce n’était que le début de l’après-midi, je voulais continuer. J’ai eu envie de faire le tour du lac. Sans savoir en combien de temps, mais utiliser les colectivos pour faire le tour en m’arrêtant dans quelques villages. En regardant la carte je me suis dit que ce jour-là je pouvais aller jusqu’à San Lucas de Tolimàn. Au marché j’ai trouvé un colectivo pour Godines, un peu avant. On était chargé à bloc et, dans une côte où on avançait à deux à l’heure, le chauffeur a arrêté le fourgon pour ouvrir une trappe entre les deux fauteuils avant ; probablement pour accéder au moteur, mon vieux renault master était comme ça. Il a à peine trifouillé un truc qu’un jet puissant de fumée a jailli. Tout en me disant que c’était de la vapeur d’eau du radiateur je me suis retrouvée ahurie au milieu d’un mouvement de panique, à savoir que les 9/10ème des passagers se sont rués vers la porte de sortie. Dans un véhicule genre combi Wolsvagen vous pouvez imaginer ce que ça donne : on me marchait dessus. Là, plusieurs solutions s’ouvraient à moi, rester sur mon idée de radiateur trop chaud ou faire comme tout le monde. J’ai opté pour sortir le plus vite possible (sans marcher sur personne cependant) en me disant que mon entourage avait plus l’expérience de ce genre de transport : on allait peut-être prendre feu.

Tzununa, petit village à côté de San Marco.

Mais non, je posais à peine le pied dehors que le chauffeur rigolait en disant qu’il n’y avait pas de risque, et d’ailleurs 1/10ème des passagers étaient restés à l’intérieur, à savoir 3 bonhommes mort de rire de voir la panique générale. Du coup, ça a fait un fou rire général.
Bon, il fallait mettre de l’eau pour le circuit de refroidissement et attendre que ça refroidisse un peu. On est reparti ou bout d’un moment, le chauffeur présentant ses excuses pour le désagrément.
Les ambiances bonne franquette comme ça, avec des gens simples et vrais, ça fait tout mon bonheur de voyager. Je n’ai pas besoin de musée, d’animations, de super restos, de visites guidées. Un quartier, un parc, un bus populaire me dépaysent beaucoup plus et me font rencontrer le pays.

Arrivés à Godides il y avait un autre colectivo qui partait pour San Lucas. Le temps que le gars transfère mon sac d’un toit à un autre et j’étais repartie. Je suis arrivée vers 17h à San Lucas. Une petite ville pas touristique du tout, les gens me regardait avec un peu de surprise dans le regard. Je me suis dirigée vers ce que je pensais être le centre, traversant des rues où il y avait eu marché toute la journée, les vendeurs remballaient tout en parlant fort à leurs voisins. Je suis arrivée à un parc où je me suis posée pour jeter un œil à la carte sur mon téléphone. Un vieux monsieur s’est assis à côté de moi pour faire un peu de causette et me demander ce que je faisais là. Je lui ai dit que je cherchais un endroit pour dormir et il m’a indiqué une pension pas loin. Je m’y suis rendue après l’avoir remercié et j’ai eu la bonne surprise d’arriver dans un endroit sobre et rustique mais propre et pas cher. En gros, pour le prix d’un lit dans un dortoir de backpackers (personnes voyageant en sac à dos ; backpack veut dire sac à dos en anglais) j’avais une chambre avec salle de bain privée. Après vérification on ne trouve pas ces hôtels dans les applications comme Booking ou Airbnb, ils ne sont pas connectés. A partir de là j’ai compris que se détacher des applis permet de rencontrer des lieux plus authentiques et meilleur marché.

Une rue de San Pedro

Après m’être installée je suis allée marcher un peu, au bord du lac, dans les ruelles. C’était un dimanche soir et il y avait pas mal d’animation dans les maisons. Pas dans les rues elles-mêmes mais dans les cours, les foyers. J’ai trouvé un tout petit comedor où il y avait juste trois tables et je suis entrée pour demander un dîner. C’était très sympa, très simple.
J’ai bien dormi, et le lendemain je suis partie à la recherche d’un transport pour Santiago Atitlàn, première étape avant San Pedro de la laguna où je voulais m’arrêter. Ca aussi ce sont des chouettes moments dans le voyage, quand il faut demander aux gens. C’est l’occasion de petits échanges et parfois de véritables coup de main. Il y en a qui se déplacent avec moi jusqu’au lieu cherché, pour être sûre que je ne me trompe pas. Et puis de petits échanges en petits échanges j’améliore mon espagnol.

Lancha qui passe sur le lac

Ce jour-là je suis arrivée devant un vieux monsieur à chapeau (les guatémaltèques natifs ont une sorte de grand chapeau de cow-boy) qui attendait devant son pick-up que vienne l’heure du départ. Il m’a dit de monter dans le véhicule, j’ai mis mon sac derrière et comme on n’était que deux je suis montée devant à côté de lui. En fait il a ensuite commencé son tour de la ville pour embarquer les passagers qui voulaient aller dans sa direction. Au début ça m’a gênée d’être devant quand les autres montaient derrière, mais bon, si ce n’était pas moi ce serait quelqu’un d’autre après tout. Et puis un peu plus tard on s’est serré pour laisser une femme s’installer devant avec son bébé, j’ai proposé d’aller derrière avec les autres mais non, il ne fallait pas que je bouge.

Tenue des hommes guatémaltèque du côté d’Atitlàn

Nous avons traversé des plantations de café, des hameaux boisés, c’était une belle route. Arrivés à Santiago le chauffeur m’a dit que pour aller à San Pedro il fallait aller au port pour prendre une barque. Là, c’est allé trop vite. Je n’avais pas fait deux pas qu’un gars m’a demandé si je voulais aller à San Pedro et comme j’ai opiné il m’a dit de le suivre. On est descendu au port et il m’a fait monter dans le bateau en question. En fait, j’aurai du prendre le temps de visiter un peu Santiago, ça a l’air joli. En tout cas les touristes prennent des lanchas (bateaux à moteur) d’un peu partout autour du lac pour aller faire un tour à Santiago. Je n’ai fait que descendre une rue.

Sommet du volcan San Pedro

Le trajet jusqu’à San Pedro de la Laguna est sympa. On croise des pêcheurs sur leur minuscules pirogues, on observe les deux volcans qui bordent l’anse. Je n’ai vu aucun dragon et Santiago ne me paraît pas elfique du tout, du moins pas dans la dimension dans laquelle j’ai abordé l’endroit. En arrivant à San Pedro je me suis de suite sentie à l’aise. Peut-être parce que le débarcadère des trajets avec Santiago n’est pas le même que celui d’avec San Marco ; je suis arrivée dans un quartier normal, peu fréquenté alors que l’autre débarcadère est situé dans le quartier touristique. Avec ce que j’avais entendu sur la ville je ne pensais pas rester plus de une ou deux nuits, pour aller ensuite à San Marco. Mais j’y suis restée plus d’une semaine tellement je m’y sentais bien. Après avoir trouvé un hôtel pas cher, propre et bien situé je me suis promenée dans les ruelles où peu de voitures passe mais qui sont plus ou moins bien arpentées par les touctoucs en quête de passagers. Effectivement, il y a un aspect touristique à San Pedro, mais c’est très light et pas désagréable. Il y a des boutiques et restaurant bio, de l’artisanat maya, des sandales en cuir, des bracelets en fils de couleur et des tatouages au henné. Mais tout ça est concentré autour d’une rue, et se diffuse un peu dans un labyrinthe de ruelles dans la partie basse de la ville. Dés qu’on monte sur la petite hauteur on arrive au marché et là, j’adore. Pas beaucoup de touriste, une population locale surtout native, l’église catho et plein d’églises évangélistes, les quartiers et boutiques populaires. A San Pedro on peut choisir son style de vie et son ambiance.

Marché de San Pedro. Vous pouvez voir la tenue traditionnelle des femmes natives, qui et pratiquement la même dans tout le pays. Du côté de Lanquin les jupes sont plutôt plissées, mais avec le même tissu quadrillé.

Marché de San Pedro

Il y a plein d’écoles d’espagnol et la question de suivre une semaine de cours pour mettre de l’ordre dans mes souvenirs et améliorer ma pratique me trottait en tête. En me baladant je suis passée devant une école qui se disait « coopérative » et elle avait l’air pas mal ; je suis entrée pour me renseigner. Comme les prix était vraiment corrects (moins de 100 euros pour cinq jours de cours particuliers, 4h par jour) et que l’état d’esprit me plaisait bien (animations le soir, aide aux populations locales via les fonds de l’école, professeurs locaux et natifs, etc) je me suis inscrite.

San Pedro est au bord du lac, accroché à la pente du volcan du même nom

Me voilà partie pour une semaine d’immersion, de balades, lectures (il y a des bouquinistes qui ont des livres du monde entier, dans toutes les langues ou presque). J’aimais beaucoup les cours, faire des exercices, comprendre la langue et discuter avec la prof. Du coup, j’avoue que j’ai eu un coup de mou le lendemain en recevant un texto de Stéphane me disant qu’il était arrivé à San Pedro. Ma première réaction a été « et mince ». Parce que même si j’aime beaucoup Stéphane, on s’était dit au revoir et mon plan immersion/retour à l’aventure prenait un coup dans l’aile. Je n’avais plus envie de parler français pendant un bout de temps. Du coup on ne s’est pas beaucoup vu, on a du déjeuner une fois ensemble au marché et se croiser au café une autre fois. J’étais vraiment partagée, entre passer du temps pour discuter et rire avec lui et mon envie de rencontrer la vie locale. La veille de son départ, en fin de semaine, on s’était donné rendez-vous pour dîner. Et dans l’après-midi il m’envoie un mot me disant « devine qui j’ai rencontré ! », accompagné de la réponse en photo :

Margot et Vincent (voir l’article Guatemala 2ème partie – Lanquin), qui arrivaient après plus d’une semaine de vélo depuis Cobàn. Du coup nous avons passé la soirée tous les quatre et c’était vraiment, vraiment sympa. Je regrette juste de n’avoir pas pris de photos de ces trois super compagnons.

Pendant la semaine j’ai aussi fait quelques excursions : aller au sommet du Nez de l’indien, ou la nariz en plus simple, pour voir le soleil se lever sur le lac. Départ à 4h du matin, 1h de bus et 45 min de grimpette sur un petit sentier (crevant, le guide marche vite) et ensuite 1h de spectacle dans le changement des couleurs et le jeux des ombres.
Je suis aussi allée voir San Marco ; je n’ai pas aimé du tout. Ce n’est plus un village guatémaltèque, c’est un village new age qui a complètement dénaturé le lieu. C’est cher, il y a de grosses villas clôturées tout le long du lac, ça m’a fait l’effet d’une vraie colonie.

San Juan devant et San Pedro un peu après, illuminés avant l’aurore

Le volcan Atitlàn, derrière la pente du volcan San Pedro

Un bout de San Marco

Il arrive

Et puis je suis montée au sommet du volcan San Pedro, qui culmine à 3000 m, soit 1200m d’ascension en continu pendant 3h : ça a été dur. Mais ça vaut le coup en partant tôt, pour ne pas avoir les nuages qui se forment en fin de matinée. Ca a été limite pour moi, en commençant la marche à 8h il y avait un peu de nuages en haut, mais j’ai quand même pu apprécier la vue impressionnante. Pas la peine de passer par une agence pour faire le volcan : prenez un touctouc qui vous déposera à l’entrée du parc et ensuite faite la montée par vous même. Sauf si vous voulez des infos tout le long. Ceci dit, de toute façon un guide ira avec vous pendant 20 minutes pour être sûr que vous ne vous trompez pas de chemin (c’est inclus dans le prix de l’entrée) et vous pourrez lui poser toutes les questions que vous voulez.

Vue depuis le sommet du volcan San Pedro

Depuis là-haut (bis)

Les nuages commencent à se former au sommet

Pendant mes balades dans le village je prenais de temps en temps des infos dans quelques unes des multiples agences de voyage de San Pedro, pour alimenter mes réflexions pour la suite. Et puis un jour je suis tombée sur un très bon prix pour faire San Pedro – Managua (capitale du Nicaragua), avec en plus l’appel du cœur pour ce pays. En parallèle j’avais repéré des lieux intéressant pour faire du volontariat, et au final j’étais acceptée pour aider dans une ferme à Bluefields, sur la côte Caraïbes du pays. Autant dire un coin paumé, du moins pas touristique du tout. Chic, pour y arriver j’allais faire mes premiers voyages solo sans navette à touriste. Je me sentais de plus en plus à l’aise avec la langue et avec les habitants, je pouvais aller plus loin dans l’immersion.

J’ai beaucoup beaucoup aimé le Guatemala

Stéphane était parti pour le Nicaragua aussi, sur la route vers la Colombie. Mais lui était du côté du volcan Ometepe. Margot et Vincent étaient toujours là, Margot ayant trouvé des cours d’espagnol encore moins cher : au black avec une employée de son hôtel. Vincent était à nouveau malade, alors je ne l’ai pas revu pour dire au revoir. J’ai déjeuné au marché avec Margot avant de prendre une lancha pour Panajachel, où j’ai pris une navette pour Guatemala city, où j’allais prendre un bus à minuit qui me déposerait à Managua à 18h le lendemain. Les deux amis avaient pour projet de rejoindre le Mexique pour visiter les Chiapas. A ce jour je n’ai pas de nouvelle, mais normalement leur temps de voyage se termine en juin.

Mon hôtel sympa et pas cher à San Pedro

J’étais toute heureuse. Heureuse de mon séjour au Guatemala, heureuse de reprendre la route, heureuse d’aller à la découverte du Nicaragua où je ne pensais pas m’arrêter à la base, heureuse de l’aventure qui reprenait.

Que sera la suite?
Forcément que du nouveau, impossible de me projeter.
Mais avant, une longue route m’attendait, avec six passages de douanes (toujours stressant) et peu de sommeil.

En route pour plus au sud.