Flottement

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Quand on flotte, on a l’impression d’aller nulle part. De stagner, sans but ni volonté. Mais ce n’est qu’un sentiment intérieur. Comme s’il ne se passait rien quand on n’agit pas. Pourtant, le temps passe, la vie s’écoule, et porté.e.s par eux nous continuons notre histoire.
Flottement.
Et si c’était justement quand on se laisse flotter au fil des évènements, en les acceptant, que les choses changeraient le plus ? Quelle part de nos volontés et actions ont pour but de nous maintenir au même endroit ? De préserver notre environnement connu, notre vision du monde, nos joies et nos soucis ?

Après le road trip je suis entrée dans une phase de grand flottement qui a duré pratiquement deux mois. Beaucoup de choses se terminaient. Le road trip, la traversée et le séjour aux Etats-Unis, l’année 2017. Bon, il me restait un mois. Un dernier mois. Ce foutu mois de décembre qui chaque année me fait un effet cul de sac avec le néant derrière. Ce coup-ci, le néant/inconnu s’appelait Amérique latine, à commencer par le Mexique.
Mais pour le moment j’étais au début de décembre et j’avais rendez-vous à Sonoma, au nord de San Francisco, pour découvrir enfin une ferme maraîchère américaine, via le site HelpX (voir dans Infos).

L’arrière de la maison

C’est ainsi que je suis arrivée chez Terri et Ted, un couple de jeunes soixantenaires nouvellement retraités et ayant une propriété d’un hectare à peu près dans la campagne de Sonoma. Cette région est connue en Californie et aux Etats-Unis parce qu’elle fait partie des grande régions viticoles appréciées et réputées. Nous étions entourés de vignes.
Par contre Terri et Ted n’ont pas de ferme au sens français du terme. J’ai ainsi appris qu’aux Etats-Unis on dit avoir une ferme dés qu’on a un peu de terrain, une grange avec des outils, parfois un petit tracteur, des animaux et/ou un peu de cultures (potager, verger, foin, etc). En France, on a dit avoir une ferme quand on en tire un peu de revenus ; ça a un sens professionnel ; je ne me trompe pas ?

Terri aime quand c’est net et propre, les planches en boîtes et la culture en pots

Mon travail a surtout été de nettoyer les cultures finies, mettre du compost, aider à déplacer des plants, récolter des olives, tailler les haies, etc.

Plantation de consoude près de la pépinière et d’un des composts en préparation

Je n’étais donc pas sur une ferme mais une grande propriété avec du jardinage et des fruitiers. Il y avait aussi deux alpagas, arrivés là un peu par hasard pour, à la base, dépanner une amie. Ceci dit, ça jardine beaucoup, au point de recevoir plusieurs volontaires à la fois durant la saison et de distribuer des légumes à droite à gauche. Normalement ils ne prennent personne pendant l’hiver et je n’avais pas vu ce détail de leur profil en envoyant ma demande. Mais comme ils avaient beaucoup à faire (dont de la comptabilité, du bois pour la cheminer et la préparation du réveillon de noël) ça les arrangeait d’avoir quelqu’un d’autonome pour faire le ménage au jardin.

Cuisine extérieure qui sert quand les volontaires sont là ; la vie se passe surtout dehors

Vue sur les collines

J’ai ainsi passé deux semaines avec eux et c’est un souvenir très très très agréable. Terri et Ted sont vraiment sympathiques, souriant, cultivés, attentionnés et plein d’humour. Je garde aussi souvenir du temps qui était fantastique. Les journées ensoleillées, avec un grand ciel bleu mais jamais trop chaudes. Les matins étaient frisquets, avec souvent de la gelée, et les après-midi nous mettaient bras nus tout en gardant ce fond d’air particulier qui nous disait bien qu’on était en décembre. Il n’y avait pas de vent. C’était d’un calme et d’une douceur un peu magique. Je flottais dans ce status quo spatio-temporel, perdue de ne pas être là où je pensais, câlinée par des conditions de vie plus que clémentes, embarrassée au début de recevoir cet accueil (chambre et salle de bain particulière dans une grande maison bourgeoise, repas délicieux cuisinés par Ted, travail au jardin et climat parfait). Avec eux j’ai vécu un american way of life de qualité. J’ai même pris un petit-déjeuner tous les matins, avec le granola fait maison de Terri ou quelques english breakfast préparés par Ted. Avec eux j’ai été au cinéma et mangé un énorme sac de pop-corn pendant le film. J’ai randonné dans les collines californiennes. J’ai roulé en pick-up avec Ted pour aller chercher du bois. J’ai mangé des donuts. J’ai traversé le Golden Gate bridge à pied et continué jusqu’au centre de San Francisco, découvrant les différents quartiers de la ville touchant la mer. J’ai fait des fripes, visité Sonoma et ses décorations de noël, vu des animations locales en tenues d’époque (de la conquête de l’ouest), discuté culture et politique, rigolé, dormi profondément toutes les nuits, apprécié cette vie sur un nuage temporaire. C’était comme des vacances au milieu de mon voyage.

Vue sur Sausalito, côté nord du Golden Gate Bridge. Région de Mill Valley où en fait les choses les plus intéressantes se passent. Agriculture bio, artisanat, climat plus agréable, accès rapide à San Francisco, etc, beaucoup de gens cherchent à y vivre, dont de grandes stars.

Coucher du soleil et piscine normalement bien utilisée par les volontaires mais là … non merci.

Trop beau, je zoom

Flottement.

Le temps passait et je le regardais défiler, sans aucune appréhension. La suite géographique était déjà calée : un house-sitting de deux semaines au centre de San Francisco, pour garder un chat dans un appartement. C’était parfait. Tout était parfait. Et rien ne venait de moi. Je ne faisais que flotter.

Le jour du départ est venu vite finalement. C’était bizarre, on ne savait pas trop comment faire tous les trois. Ils m’ont laissée à l’arrêt de bus de Petaluma où passait la ligne pour San Francisco. Nous étions là, il fallait se dire au revoir mais le moment était comme un cheveu sur la soupe. Donc on l’a fait, accolade (aux Etas-Unis, comme en Europe du nord, on ne fait pas la bise : on se sert la main ou on se fait une grande accolade (hug)) merci, c’était super, des deux côtés, et puis nous nous sommes séparés. Je n’aime pas les au revoir, tant mieux si c’est simple.

Nature morte

Flottement plus grand, plus de décor, plus de programme.
Transit vers l’appartement d’Allison pour retrouver le chat Evie. J’avais déjà les clefs, Allison était partie la veille au soir. Hâte aussi, de me poser, me retrouver et découvrir un peu plus cette fameuse ville. Dans une semaine ce sera noël, dans deux semaines on passera à 2018, dans deux semaines je quitterai les USA après trois mois de vadrouille et de très, très bons moments.

En arrivant à San Francisco je pensais avoir devant moi deux semaines fantastiques à me balader et découvrir cette ville mythique. Mais ça a été deux semaines bof. Il faisait plus froid que d’habitude, j’ai trainé un rhume pendant 10 jours, j’étais fatiguée, dans un quartier un peu central mais pas vivant du tout et loin des quartiers les plus intéressants. Je me sentais un peu perdue dans ce moment de transition. Ceci dit, je suis comme ça tous les mois de décembre. Un peu perdue, fatiguée et en transition. Même à San Francisco fin 2017.

Vue depuis Twin Peaks, les grands immeubles marque le Financial District

Vue sur le sud-est de la ville

L’extrême sud de la ville

Zoom sur Market Street

Zoom sur l’architecture San Franciscaine, ici le quartier The Castro

Vue d’en bas

Je pensais écrire beaucoup, marcher beaucoup pour visiter tous les coins, et même courir dans le parc d’à côté que j’avais repéré sur la carte. Ca, dés le premier jour j’ai vu que ça n’allait pas le faire : le parc était au sommet d’une colline très pentue, était très petit et très fréquenté. En gros tous les critères qui me démotivent, surtout quand il fait froid et que je ne suis pas en forme. Et avec des mauvaises nuits, des levers tardifs et un sentiment intérieur plutôt minable je n’avais pas la tête à écrire. Tous les jours ou presque je me forçais, oui, forçais, à aller voir un nouveau coin.

En général je marchais pour y aller et revenais en bus. Normalement j’adore ça, mais voilà, San Francisco et ben, ce n’est pas si vivant que je pensais. J’ai même trouvé ça d’un ennui pas possible de marcher dans des quartiers morts, pour la plupart résidentiels. Il y a de jolis coins, certes. Mais pas d’ambiance, même pas celle de Noël. Hormis les zones très commerciales dans Financial district il n’y avait pas de décoration. Et encore, là ça se résumait en gros à un grand sapin à côté d’une patinoire où les gens payait 20 dollars pour tourner en rond pendant une heure. Pas de musique, très peu de bancs, de squares où s’assoir, pas d’animation de rue, d’ambiance joyeuse, c’était fade. J’ai bien aimé les quartiers comme Inner Sunset (hippie), Castro (gay), Mission District (populaire, le Barbes de San Francisco, version latine). Si je retourne je mettrais ma base par là-bas, dans le sud-ouest.

The Castro

China town

China town

Côté port

Port

Boutique dans Inner Sunset

Je me suis amusée à repérer la présence du français dans la ville, c’est assez notoire, en fait

Mon meilleurs souvenir est peut-être le dernier soir, le grand feu d’artifice en musique sur la baie que j’ai regardé parmi des milliers de spectateurs. Le lendemain j’avais un avion pour Mexico city. Fini l’attente, fini les USA, fini la vie occidentale, fini la langue anglaise, enfin de l’action. Et tout ça dans un final pétaradant multicolore.

En Californie on retrouve les vieux tacots, dont des vieilles voitures qui font plaisir à voir

Départ pour une balade à Mill Valley, dont l’ambiance me manque

Visite de Greenbrae broadwalk où a vécu mon amie Marion

Ca me faisait bizarre de changer de monde. Ce n’est pas que j’avais envie de rester. J’ai beaucoup aimé les USA, avec la chance de me retrouver dans des endroits vraiment chouettes et de rencontrer des personnes vraiment chouettes. Mais me voilà au bord d’une frontière, celle du monde dit occidental. Et je vais la franchir avec plaisir, parce que tout aussi agréable qu’il puisse être parfois, j’y vois un monde de mensonges. Un monde qui vit au dépend du reste du monde. Un monde où tout me paraît faux. Je l’ai parcouru dans plusieurs pays et partout ce voile de je ne sais quoi, dissonant, artificiel, un truc aveugle et sourd dans lequel je baigne moi-même. Un monde qui peut militer pour autre chose mais quoiqu’il pense, pense toujours avoir la solution pour les autres. Ca a été vrai pour la religion, les façons de vivre, les technologies, les sciences, et ça continue aujourd’hui même avec la permaculture et l’écotourisme. Les occidentaux qui arrivent dans les autres mondes que le leur ont toujours envie d’enseigner des trucs aux locaux soit disant ignares. Je le dis d’autant plus que j’en fais partie et que quand j’écris ces lignes j’ai un grand retard dans le blog, ça fait deux mois et demi que je vadrouille en Amérique centrale.

Beau ciel d’un soir d’hiver

Epicerie comme il en a tant, ouvertes très tard

J’avais en fait hâte de voir ailleurs que mon monde. Mais c’était malgré tout mon monde que j’allais quitter, donc une énorme part de moi-même et de mes repères. En dehors, je ne serai plus anonyme dans les rues, je ne connaitrais plus les codes et beaucoup moins la langue. Moi qui aime me fondre dans la masse j’aurai écrit étrangère occidentale sur le front, moi qui ai toujours eu des petits revenus j’aurai écrit riche sur mon front. Je voulais quitter mon monde, mais en ces ailleurs j’en serai encore plus l’incarnation, j’aurai encore plus à le porter. Ca me mettait mal à l’aise. Je me sentais faire partie de rien, pas d’ici, pas de là-bas. La question de mon identité, de ce que j’incarnais allait se poser ouvertement et tous les jours. Chic, ça va bosser dedans.

10, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1…..

2018 qui nous pète à la gueule

https://www.youtube.com/watch?v=ePnqQHPPHG4&w=700&h=420

San Francisco et sa baie vues de l’avion

Au Mexique, j’étais attendue dans une ferme des Chiapas qui produit des mangues. Alléchant programme. Los Chiapas est le nom de la région du sud-ouest du Mexique, frontalière avec le Guatemala. Elle est connue pour son mouvement zapatiste qui défend le droit des indiens natifs. Les montagnes du Chiapas sont territoire des natifs, l’état mexicain n’a rien à y faire. La région est magnifique, surtout dans les montagnes, mais pour le moment j’allais dans une ferme près de la côte pacifique, à Tonala plus exactement.
Je suis arrivée dans la nuit à Mexico et y suis rester la journée suivante histoire de jeter un œil.

Rue de Mexico, très encombrée, comme presque toute les rues

Dans le centre ville historique de Mexico

Indiens natifs faisant des spectacles de danse et des soins chamaniques sur la place de la cathédrale de Mexico

Ohlala, que j’étais mal à l’aise, me débrouillant mal avec la langue, me sentant de trop où que je sois. Ce que j’ai vu de la ville était intéressant, avec beaucoup de monuments anciens, des petites rues, des petites boutiques. Le lendemain j’ai pris un bus très tôt pour rejoindre Tuxtlà (capitale des Chiapas, 14h de voyage) où je suis également restée deux nuits pour continuer ma découverte et mon acclimatation. Puis un autre bus jusqu’à Tonala où Carolina (35 ans) et Justino (58 ans) sont venus me chercher, accompagnés de leur fille Ilandra (12 ans). Je pensais pouvoir enfin prendre contact avec le Mexique, la langue, me familiariser avec les codes.
Mais Justino était en fait Justin, américain marié à une mexicaine. On parlait anglais tous les deux. Il parle espagnol, mais vu mon niveau pour discuter l’anglais était évident. Et Justin recevait pour pouvoir communiquer, normal, moi aussi j’avais envie de communiquer. Alors j’ai dérouillé mon espagnol avec Carolina, de temps en temps, et en continuant à me rafraîchir la mémoire avec des livres.

Il y a eu un tremblement de terre force 8 en septembre dernier à Tonala, la ville se répare

C’était une ambiance très spéciale. Carolina n’engageait jamais la parole, j’étais comme transparente, sauf si j’engageais la parole alors elle me répondait sympathiquement avec un sourire mais sans plus. La TV était allumée du matin au soir et en faisant le ménage, la cuisine ou rien elle avait les yeux sur la TV (feuilletons ou émissions musicales). Ilandra était rivée à sa tablette où elle faisait des jeux ou regardait des mangas animés. En permanence.

Maison construite par Justin et deux amis, pour un ami. Ce n’est pas de son goût mais l’histoire fait qu’il y vit en ce moment (la ferme est à vendre, si ça vous tente)

Justin, après avoir préparé le petit déjeuner, nourri les deux chiens et autres bricoles retournait dans leur chambre sur son ordi aussi, parce que là il y avait la climatisation et il pouvait se protéger d’une allergie aux pollen qu’il déclare depuis quelques années. Et s’était l’époque des fleurs dans les manguiers (et oui, râté pour les fruits!), alors il avait les yeux explosés s’il restait trop longtemps dehors, surtout s’il faisait chaud. J’avais quelques trucs à faire, comme arroser le jardin, du débroussaillage, du desherbage. J’ai aussi vidé entièrement un grange dont le toit s’était écroulé et qu’ils prévoyaient de refaire. Une occasion pour admirer plein de nouveaux arthropodes bizarres, dont des scorpions et des tarentules rouges et noires.

La maison est au milieu de ça, des manguiers

Mais globalement c’était plutôt mort comme activité. Alors que pour eux c’est moi qui travaillais trop vite. J’en ai profité pour me reposer, lire, me remettre à la vidéo en en faisant une, envoyer mes vœux de nouvelles années, faire un article, buller.

La ferme était entourée d’un grillage et fermée par une grille à gros cadenas. Alors j’étais au Mexique, mais en même temps coupée du Mexique. C’était bizarre.
Avec Justin j’avais des discussions intéressantes, sur sa vie au Mexique (depuis 25 ans) et même avant. Il fait partie de ces personnes autodidactes, ayant quitté l’école et leur famille très tôt et fait de nombreux métiers. Il a notamment pas mal fréquenté le monde de la pêche, dans de nombreux pays, et il ne manque pas d’aventures dingues à raconter. Il est aussi de ceux qui ne supporte pas les mensonges et fait beaucoup d’investigation quant aux informations sur le monde. Ses versions du Mexique ou des politiques américaines et mondiales étaient aussi très intéressantes.

Justin au volant du 4×4

A Boca del Cielo, côté lagune

Certains appellent ça complotisme, mais ce terme me fait beaucoup rire par l’effet court-circuit qu’il procure ; le dire suffit à discréditer des versions juste par le ridicule qu’il transmet, sans même regarder plus loin. Comme je disais à Justin, je pense aussi qu’il y a d’autres versions des faits que celles qu’on nous sert dans les médias, mais ce n’est pas pour autant que ça m’intéresse et que je vais en faire une paranoïa. Je préfère donner mon énergie à des choses et des valeurs que j’aime et que je veux développer, lutter contre des méchants ne fait qu’entretenir des méchants. Et se faire plaisir en se croyant gentil. De plus, les personnes les plus gênées par les réseaux secrets et les affaires cachées sont celles qui manquent aussi le plus de transparence et clarté dans leur propre vie, elles cachent ou se cachent des choses. Ce à quoi Justin m’a répondu la première fois : Ok, I will talk you about rainbows and unicorns 😀

Boca del Cielo, côté Pacifique

Pacifique, avec ses vagues et courant forts, il faut faire attention

Derrière la lagune, les montagnes

Carolina, Ilandra et ses cousins et cousines

C’était beau à voir. Par contre ils se baignent tous habillés, je ne sais pas si c’est pas pudeur ou pour se protéger du soleil.

Je suis allée trois fois à la plage, une fois avec eux trois, une autre fois avec Carolina, Ilandra et la famille d’une sœur à Carolina, une dernière fois seule pendant une après-midi pendant que Carolina visitait sa soeur. A chaque fois c’était à Boca del Cielo, un joli coin de la côte Pacifique, apprécié et fréquenté par les locaux et quelques touristes. La côte des Chiapas est globalement peu fréquentée par les touristes.
J’aimais bien aller à Tonala aussi, mais c’était avec Carolina pour faire des courses et je n’avais pas le temps de me balader vraiment. Elle allait droit à ses buts et on rentrait. J’allais avec elle pour faire mes propres réserves parce que je ne prenais que les dîners avec eux, pour le reste je me préparais mes repas. On s’était arrangé ainsi parce que 1) ils sont très carnivores, il y a de la viande aux trois repas qu’ils prennent tous les jours 2) j’ai besoin de légumes et de fruits 3) ils demandaient une contribution aux repas donc avec un repas par jour je pouvais apprécier la cuisine mexicaine de Carolina et par ailleurs me faire mes shoots de minéraux et vitamines pour moins cher. Le comble étant pour moi d’acheter des mangues, j’en rêvais depuis des semaines.

Matin dans les arbres

Carolina cuisine très bien, c’était un plat différent tous les jours. J’étais également très bien logée, dans une grande chambre avec salle de bain privée, air climatisé, vue en hauteur sur les arbres. C’est une chambre louée en Airbnb quand il n’y a pas de volontaire.

Je suis restée presque trois semaines je crois. Et c’était vraiment très drôle la sensation que j’avais en partant : hâte de sortir. Le fait de m’être sentie enfermée et isolée m’a aidée à me rassurer et faire mes premiers pas dans le nouveau monde latino, mais ça m’a surtout donnée une soif de m’y plonger. Ok, je n’étais pas à l’aise, mais mon dieu, je voulais aller à sa rencontre, pas m’en protéger.
Ceci dit, j’ai un bon souvenir de mon séjour chez Carolina et Justin. Ce n’était pas ce à quoi je m’attendais, une fois encore, mais c’était chouette et instructif, encore. Ils ont été très accueillant et sympas, Justin a aussi beaucoup d’humour et j’ai adoré son franc-parlé.

Colibri, très difficile à saisir

J’avais pris contact avec une ferme de cacao au Guatemala et j’étais donc attendue début février pour y faire du volontariat. Un bel objectif, entre les deux j’avais dix jours pour naviguer en solo. Ca m’attirait beaucoup, mais je flottais toujours, dans une sorte de torpeur-brouillard interne, très bizarre. J’enchainais les gestes, posais des actions, mais sans élan vraiment, rien n’avait beaucoup de goût. C’est étrange de vivre des trucs pas banal, chouettes, nouveaux, et de tout trouver insipide.
C’est gênant.
Mais j’ai continué, parce que je suis toujours curieuse de la suite. C’est mon petit élan de base.

Justin, Ilandra et Carolina

Pour rejoindre la ferme au Guatemala je pouvais passer par des sites intéressants et j’en ai fait mes escales. Tout d’abord, San Cristobal de las Casas, sans doute la ville la plus visitée des Chiapas, dans les montagnes, en plein territoire zapatiste. Très surprenante, avec son marché énorme et génial, un marché d’artisanat magnifique aussi (des tissus faits main d’une beauté incroyable), la présence des mayas et de leur culture via des musées, des ventes d’herbes médicinales, de pierres semi-précieuses, etc. Et un centre ville très chic bobo, cher, un tourisme avec beaucoup de jeunes, dreadlocks et sarouel.

La ville est très tournée sur l’écologie, le bio, le respect de l’environnement et des humains. Quitte à en faire de l’argent. Je dis ça parce qu’au centre ville tout est beaucoup plus cher, mais c’est bien présenté.

Dieu, Jésus et Marie sont très présents dans la vie publique d’Amérique latine

Ce petit ciel d’orage fait un fond parfait pour les couleurs de la ville

En quittant les Etas-Unis je pensais quitter les tentations nommées muffins, donuts et autres brownies pour arriver au pays du guacamole et des tortillas. C’est peu connu, mais les boulangeries mexicaines sont d’une taille et d’une diversité de tentations que je n’ai vu dans aucun pays auparavant. Je dis bien aucun.

La ville est très jolie et colorée, avec que des maisons basses, et regorge de petites écoles d’espagnol. Une part du tourisme est d’ailleurs basée sur ces écoles de langues. Il y a aussi beaucoup de tours operators qui offrent des journées de découverte de la région (villages, cascades, treks, etc). Je n’y ais passé que deux jours, à me balader et faire des photos. J’ai visité le musée de la médecine maya qui était intéressant, notamment pour les infos sur le piratage des savoirs par les occidentaux.

La biopiraterie est l’appropriation, le vol ou le brevet de ressources naturelles (plantes, animaux, minéraux et humains) et de connaissances indigènes, de la part de quelques chercheurs, universités, laboratoires, entreprises pharmaceutiques et gouvernements (particulièrement des pays développés), pour son exploitation commerciale sans l’autorisation et la reconnaissance de leurs créateurs ou inventeurs ni compensation juste et proportionnelle aux bénéfices que, en fin de compte, découlent de ces ressources naturelles et connaissances collectives.

La biopiraterie est financée par les universités, les gouvernements nationaux et étrangers, les laboratoires chimiques et entreprises pharmaceutiques, qui sont eux-mêmes les bénéficiaires directs de sa commercialisation.
L’information obtenue par les chercheurs dans les communautés indigènes est envoyée à des laboratoires chimiques qui extraient les substances curatives et utiles des plantes. Ces substances sont vendues à des entreprises pharmaceutiques qui font des tests sur animaux et humains pour fabriquer et breveter des médicaments.
La biotechnologie, la globalisation et le néolibéralisme facilitèrent la création de marques et brevets dans le monde. L’exploitation d’un bien commun était amplement justifié, en se parjurant devant tous les malades du monde et plus spécialement les plus pauvres. (sur la gauche on voit les logos des principaux organismes mis en cause)

Nicolas Monades : Médecin trafiquant de connaissances et de plantes médicinales, lesquelles étaient obtenues par les naturalistes (botanistes) à partir des informations qu’ils soustrayaient aux soigneurs indigènes d’Amérique. Monardes achetait des esclaves noirs, qui étaient marqués au feu rouge du M de Monardes et envoyés en Amérique en échange de plantes médicinales, lesquelles avaient été récoltées par les mêmes esclaves noirs et les natifs américains.
Brent Berlin : Ethnobiologiste étatsunien. Comme beaucoup d’autres chercheurs il a profité de la pauvreté et du manque d’information dans les communautés indigènes pour mener à bien ses recherches, extrayant les connaissances que les peuples indigènes possèdent sur l’utilité des plantes, animaux, minéraux et graines pour son exploitation par les multinationales pharmaceutiques.

Défends ta patrie, parce que le mauvais système veut la détruire

Puis j’ai pris un bus pour Palenque, la dernière étape mexicaine avant de passer la frontière du Guatemala. C’est aussi un lieu très visité pour son site archéologique que j’ai trouvé magnifique. Pas très grand mais vraiment joli et dans un site naturel très beau. Les arbres et les cascades m’ont fait un bien fou. Et je me suis rendue compte que ça faisait un moment que je n’avais pas été dans la Nature. Il pleuvait un peu mais ça ne me gênait pas, le site n’était pas trop plein du coup. Après être revenue à ma chambre la pluie a vraiment éclatée et c’était génial, avec de l’orage, un ciel noir et des trombes d’eau ; j’adore regarder ça. Les arbres et les flots ont titillé ma léthargie interne.

Ruine de Palenque

Rencontre avec Pan

Le lendemain j’allais prendre une navette pour rejoindre Flores, au Guatemala. Je ne sais pas pourquoi le Guatemala m’attirait beaucoup. Je n’avais pas vu beaucoup du Mexique en quatre semaines, mais je voulais passer à la suite. Flores c’est près de Tikal, le fameux grand site maya. Ma curiosité grandissait. En fait je flottais de moins en moins, un engrenage ne tournait plus à vide et avait repris son action, mon action. Mon voyage, mes découvertes, ma joie.

La voyageuse se re-reveillait, qu’est-ce qu’elle avait bien pu faire pendant tout ce temps, franchement ?! Elle avait laissé la place à autre chose. J’ai vu qu’il y avait toujours rien, pas de projet en moi en dehors du voyage.

Etrange ce vide.

Voyageons.