D’Est en West – 2ème partie : W.DC et NO

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Je crois que c’était un jeudi, que j’ai quitté New-York. Le voyage jusqu’à Washington DC n’est pas très long, 4H30 il me semble. La curiosité me poussait. A la base je n’avais pas du tout prévu d’aller voir la capitale, elle ne m’attirait pas vraiment. Mais à présent si, je voulais y faire un tour. La proposition de mon amie Marion de rendre visite à son frère et sa famille avait aussi éveillé l’envie d’aller voir la maison blanche, juste pour voir. Et j’ai ainsi appris que la maison blanche, le capitole et le pentagone sont trois endroits différents, pas très éloignés l’un de l’autre, situés autour d’une pelouse immense qui représente à elle seule le centre de la ville.

Mais bon, pour le moment je suis simplement dans un bus.

J’avais contacté Robert et Eugénie et ils étaient contents de me rencontrer. Ils avaient aussi sympathiquement proposé de m’héberger pour deux nuits. Comme je restais jusqu’au lundi j’allais ensuite me rendre chez une hôte de Couchsurfing pour les deux nuits suivantes.

Gare de Washington DC

Arrivée à la gare centrale, j’avais toute les instructions pour prendre le métro et me rendre à Cleveland Park, le quartier où Eugénie et Robert vivaient. La gare est immense et très belle. Je me suis dirigée vers la station de métro et j’ai été impressionnée par son … on pourrait dire modernisme, mais ce n’est pas ça, en fait. C’est une grande aseptisation. Les tunnels sont immenses, très très propres. Il est interdit d’y fumer bien sûr mais également de boire ou de manger quoique ce soit, de quémander, de jouer de la musique ou autre démonstration. Il y a des jolis spots informatifs sur des écrans qui informent des règles à respecter et de la qualité des efforts pour garder un endroit propre et agréable, parce que des transports propres et agréables font que les gens sont de meilleur humeur et donc en meilleur disposition pour aller travailler et passer une bonne journée. A première vue je me suis dit tiens c’est pas mal, c’est vrai que c’est agréable, mais dés le deuxième jour je n’aimais plus du tout. Non pas que j’aime la crasse et les ordures qui trainent, mais j’ai trouvé ce métro froid et triste, déprimant. En tout cas il m’a marqué !

Métro de Washington DC

Le quartier d’Eugénie et Robert est un peu éloigné du centre mais très agréable, avec de belles maisons ancienne datant de 1901. Du coup le quartier est classé historique, et on ne peut pas y faire les aménagements que l’on veut de la façon que l’on veut.
Robert à fait des études en France ; il parle très bien le français et avait plaisir à pouvoir pratiquer. Eugénie aussi parle le français et en profitait pour s’entraîner, mais ayant moins de vocabulaire elle se lassait plus vite et du coup je parlais aussi anglais avec elle.
Chez eux j’ai eu aussi le plaisir de séjourner dans une maison américaine confortable, avec une chambre cosy, un lit doux et profond. Comme dans les films je me disais, encore. Ca fait bizarre de connaître un monde que par des films ou des documentaires et puis un jour se retrouver à l’intérieur. C’est rigolo. Ca m’amusait à New York, ça continuait ici dans d’autres décors.

Rue du quartier de Cleveland Park

Le lendemain Eugénie m’a déposée en voiture au centre ville après m’avoir fait faire un tour de présentation des lieux. Je suis allée voir ce qui m’attirait le plus : la maison blanche. Voila, très simple, c’était fait, j’avais vu. Mais ressenti aussi, un truc, le fait d’être là, à quelques centaines de mètres de Trump, mais aussi de là où ont résidé tous ses prédécesseurs, les présidents de la plus puissante nation du monde.
Je n’ai pas trop trainé parce que j’avais rendez-vous dans George town (un vieux quartier) en début d’après-midi avec Holy, une amie de Marion. Elle nous avait présenté l’une à l’autre par courriel nous suggérant de nous rencontrer. Holy a beaucoup voyagé pour son travail et elle a connu Marion au Kenya. Voila que je découvrais que mon américaine du Conquet avait aussi vécu au Kenya. Avec son frère Robert j’avais appris qu’elle avait également eu une ferme, qu’elle avait également vécu au Colorado. Personnellement je la connaissais comme venant de San Francisco. Un vrai puzzle cette femme, je la connais par petits bouts glanés dans des conversations, sans poser de question parce que je n’aime pas poser de question et que j’attends qu’elle me raconte elle-même, un jour. Et dire que pendant plusieurs années je la voyais juste au marché, on échangeait quelques mots le temps qu’elle me prenne des légumes, je la trouvais vraiment sympathique mais n’avais pas le temps ni d’autre opportunité de la rencontrer plus avant. Quand elle a su que je partais voyager elle a été très intéressée et m’a demandé si je voulais bien qu’on reste en contact. Ca m’a fait plaisir, on a pris quelques cafés ou thés avant mon départ et puis depuis ont s’écrit de temps en temps. Elle me briefe et me conseille depuis que je suis aux USA. Mais elle pourra le faire aussi en Afrique. Maintenant, de loin, j’entrevois combien sa vie est riche et encore plus intéressante que ce que je pensais. Tu me raconteras un jour, dis, Marion ?:-)

Rue de George town, quartier de Washington DC

J’ai eu un délicieux petit moment avec Holy, dans tous les sens du terme parce qu’on s’est retrouvé dans un café qui vendait aussi des cup cakes faits maison absolument divins. Le plus difficile était d’en choisir un tellement la diversité sur l’étal était grande et belle à voir. Holy m’a raconté que les gens venaient de loin pour manger des cup cakes dans George town, les meilleurs du pays paraît-il. Je confirme. Elle a vécu un peu partout dans le monde, en Afrique, Asie, Amérique du sud, ce qui m’impressionnait. Elle ça l’impressionnait que je voyage seule en sac à dos. On a donc eu mutuellement plaisir à discuter et se poser des questions. Et j’ai trouvé super sympa de débarquer dans une ville inconnue et de pouvoir passer une heure à boire un café avec quelqu’un du coin. Merci Holy, et merci Marion de me permettre ça.

Autre rue de George town, quartier de Washington DC

Après je suis rentrée à pied jusqu’à chez Eugénie et Robert, en passant par des quartiers hupés, moitié résidentiels moitié administratifs car on y trouve pas mal d’ambassades et consulats. Des maisons de stars aussi je crois, mais j’ai oublié lesquelles.
Les rues de Washington sont immenses et sans vie. Il y a des passants et des voitures, mais pas d’artiste de rue, les boutiques sont discrètes, ne s’étalent pas sur les trottoirs, même en pleine journée elles m’ont donnée l’impression d’un couvre-feu. Au centre du moins. George town et Cleveland Park sont des quartiers plus convivaux. Mais ça manque de peps, de joie, de vie. Difficile à expliquer.
Ce soir là, la fille d’Eugénie et Robert est venue dîner avec nous. C’était très sympathique et nous avons beaucoup rigolé.

Rive du fleuve Potomak

Le lendemain je me suis réveillée fatiguée mais j’étais motivée pour aller découvrir d’autres endroits de la ville, en particulier ce que l’on appelle le Mall.
Si j’ai bien compris le Mall est le quartier qui longe la grande pelouse centrale de Washington DC, autour de laquelle il y a la Maison Blanche, le Capitole, le Washington monument (immense obélisque) et pas très loin le Pentagone. Mais aussi entre ces monuments des musées. Plein de musées, sur tout. L’agriculture, l’esclavage, les indiens, l’art moderne, la botanique, etc. Et tous sont gratuits. Tout le temps. Pour tout le monde. Ca c’est génial.
Ce qui ne m’a pas empêché de commencer par le musée du National Geographic, payant, mais ça me faisait vraiment envie. Après j’ai marché jusqu’au Capitole, devant lequel il y avait une sorte de messe sur la pelouse, à l’américaine avec des chants gospels, ça faisait bizarre. Puis je suis entrée au musée sur l’histoire des populations natives, les indiens d’Amérique. Malheureusement j’ai beaucoup survolé parce que je n’avais pas beaucoup de temps. Il fallait que j’aille récupérer mon sac à dos chez Eugénie et Robert et rejoindre mon nouveau logement en CouchSurfing assez loin en banlieue. Mais quand je suis arrivée Robert était à la maison et il m’a proposée de m’y conduire en voiture. Je lui suis vraiment reconnaissante parce qu’on a bien mis ¾ d’heure à arriver. Merci à vous Eugénie et Robert pour votre accueil et votre aide !

Capitole

Messe devant le capitole

Ma nouvelle hôte s’appelait Sharon et était d’origine taïwanaise. Elle vivait avec son mari et une de ses deux filles dans, pas vraiment un quartier mais plutôt une zone de lotissements très étendue, avec uniquement des maisons immenses avec jardins. L’ensemble était très boisé.
La maison semblait être louée toute aménagée parce qu’elle n’avait pas du tout de style asiatique mais le style américain super cosy. En plus dans la cuisine tous les placards, tiroirs, portes de fours et réfrigérateur était recouvert de film plastique étirable. Genre on protège tout pour rien abîmer.

Je n’ai pas beaucoup vu Sharon parce qu’elle était très occupée. J’avais une chambre et une salle de bain pour moi toute seule au sous-sol qui en fait est un rez-de-chaussé donnant sur le jardin (la maison était sur une pente). Vraiment confortable. Et avec cette indépendance et isolée au milieu de nulle part mon organisme a décompressé, je ressentais une grande fatigue et lassitude. J’ai dîné avec Sharon et sa fille le premier soir. Son mari était absent, apparemment il est souvent en déplacement et Sharon ne reçoit des gens qu’à ces moments là. Je n’ai pas compris si c’est en cachette ou pas. Elle aimait recevoir des voyageurs, elle-même a pratiqué le couchsurfing avec sa fille aînée (absente car faisant des études dans une autre ville) lors d’un voyage en Europe. Elle a adoré ça. Et il faut dire que cette femme m’a épatée par son énergie et sa jeunesse apparente. Elle est mathématicienne, travaille aussi à distance de temps en temps et participe à des activités caritatives. Elle est chrétienne et va à la messe tous les dimanches.

Centre ville de Washington DC

D’ailleurs, le lendemain je l’ai à peine vue ; elle est partie à la messe en me laissant un joli pancake aux pommes pour le petit déjeuner et comme ensuite elle donnait des cours de rattrapage scolaire elle n’est rentrée que le soir. A ce moment là je n’étais pas bien du tout ; après m’être baladée le matin j’étais restée lire dans ma chambre l’après-midi (Robert et Eugénie m’avaient donné des livres en français) et le soir je n’avais pas faim, juste une envie de dormir. Ca me tracassait cette fatigue persistante. J’avais même l’impression que ça empirait. J’ai vu Sharon rapidement le lendemain parce qu’elle avait une vidéo-conférence et j’ai quitté la maison pour prendre un bus pour le centre ville et la gare routière.

Sharon était désolée de n’avoir eu plus de temps à me consacrer, mon parcours l’intéressait, mais de mon côté j’étais plutôt contente d’avoir pu me reposer avant le grand voyage qui m’attendait : rejoindre la Nouvelle-Orléans en bus. J’aime prendre le bus, mais là j’en avais pour 27h, une expérience nouvelle. Et la Nouvelle-Orléans m’attirait énormément. Je crois qu’avant d’arriver aux USA, outre San Francisco et la Californie qui étaient ma priorité, je voulais voir New-York et la Nouvelle-Orléans. Depuis les Canaries j’avais envoyé des messages pour trouver de quoi loger dans ce secteur, en house sitting ou workaway. Soit je n’avais pas de réponse soit elles étaient négatives.
Depuis New-York j’avais pu avoir une place en house-sitting à Boulder (Colorado) du 4 au 19 novembre. En comptant le passage à Washington DC et les déplacements inter-states j’avais donc encore la place pour une semaine à la Nouvelle-Orléans. Et finalement Sasha m’a acceptée pour cette semaine là. Une aubaine, un bonheur. Sachant qu’après le Colorado j’irai encore plus vers l’ouest pour finir par la Californie mon plan général de voyage aux Etats-Unis était tracé. Il n’y avait plus qu’à suivre cette grande ligne directrice sécurisante et à faire les broderies dessus en profitant du voyage.

Centre ville de Washington DC

Centre ville de Washington DC

La compagnie de bus qui assure les trajets à travers tous les Etats Unis est Greyhound. Pas vu de concurrence sauf sur certains trajets particuliers pas très long, comme entre NY et W.DC. Ce n’est pas forcément moins cher que l’avion sur les très grandes distances, mais pour voir du pays et vivre avec les locaux il n’y a pas mieux. Les lignes ne sont pas forcément directes. Pour la Nouvelle-Orléans j’avais deux changements de bus de prévu. Par contre on peut faire New York-Las Vegas avec le même bus (quoique, quelque fois le bus en lui-même est changé à une escale).
Ce n’est pas terrible d’avoir des changements, surtout quand il n’y a pas beaucoup d’attente pour le bus suivant, car si le premier est en retard on rate tous les autres.


Attente à la gare de Washington

Le premier n’était pas en retard, il n’y avait que deux heures de route et le suivant est parti à l’heure. Avec un dragon en guise de chauffeuse. Elle ne nous parlait pas, elle nous braillait des instructions autoritairement comme à un groupe de gosses délinquants récidivistes. C’est peut-être comme ça qu’elle considérait les passagers, des emmerdeurs potentiels, parce qu’elle en avait eu l’expérience. Elle a pris un peu de retard dans son trajet. A une des escales on avait une heure d’attente pour permettre le nettoyage du bus. Dans ces cas là tout le monde sort et attend le ré-embarquement dans la gare. Quand c’est l’heure il y a une queue pour les passagers qui étaient déjà dans le bus et embarquent en premier, ce qui est cool parce qu’on retrouve sa bonne place ou on a l’occasion de choper celle de quelqu’un qui ne continue pas le voyage. Et puis il y a une queue pour les nouveaux passagers, qui embarquent en dernier. Quand j’étais nouvelle passagère d’un bus en escale je croisais les doigts pour qu’il reste un place près de la fenêtre, je ne peux pas dormir sur un siège couloir.

Car Greyhound, avec toilettes et WIFI (en américains toilettes se dit restroom)

Bref, on avait une demi-heure de retard je crois, et son service s’arrêtait là, un autre chauffeur allait prendre la relève. Les chauffeurs sont seuls dans les bus et conduisent pendant 7-8h avant d’être remplacés. Malgré le retard le bus était cependant prêt à l’heure et le nouveau chauffeur était là, très sympathique et souriant. Mais mystère, il a fait durer l’escale aussi longtemps qu’elle était prévue, avec même un peu de rab. Je ne sais pas pourquoi. Le fait est qu’au lieu de partir à 1H15 du matin on est parti à plus de 2h. J’ai eu la chance d’avoir un siège fenêtre ce coup-ci et j’ai essayé de dormir. Mais impossible, il faisait trop froid. Il y avait une soufflerie d’air froid qui inondait tout le bus. Même avec mon sac de couchage j’avais froid. Je me demandais comment faisait les autres, sans sac de couchage. Ils devaient assurer parce que personne ne disait rien et ça continuait. J’étais au milieu du bus côté fenêtre, si personne ne disait rien ce n’est pas moi qui allait me plaindre non plus. Et puis je me suis aperçue que ma voisine était frigorifiée aussi, on a échangé quelques mots, nous étonnant de ce qu’il se passait. Au bout de 2h il y a eu une pause dans une station service et là je suis allée demander au chauffeur s’il pouvait mettre de l’air plus chaud, et oui bien sûr avec son grand sourire. Tout le monde était frigorifié et ne parlait que du fait qu’on était frigorifié. Pourquoi personne n’a rien dit avant ? Surtout ceux qui étaient tout devant ? Mystère. Après ça a été beaucoup mieux. Sauf que j’étais inquiète parce qu’à la pause j’ai vu qu’on avait une heure et demi de retard, en théorie je ratais le prochain bus à Atlanta. Mais bon, je n’y pouvais rien, personne d’autre ne s’inquiétait et la douce tiédeur du chauffage m’a aidée à m’endormir au bout d’une heure.

Petit matin à proximité d’Atlanta

Deux heures après je me suis réveillée au levée du soleil, le bus était dans des embouteillages à une trentaine de km d’Atlanta. Heure de pointe. Au final on est arrivé avec 3h30 de retard. Autant dire que mon dernier bus pour la Nouvelle-Orléans était loin. J’ai fait la queue avec tous ceux qui avaient raté une correspondance pour qu’on nous change nos tickets. Mon prochain bus était à 16H30, j’arriverai à 5H15 du matin le lendemain au lieu de 17H30 ce jour-là. J’ai prévenu Sasha par texto et suis partie chercher un café. J’étais KO, avec seulement 2h de sommeil plus le froid qui m’avait également fatiguée. J’ai marché dans les rues d’Atlanta pour trouver un Starbuck qui me procurerait une ambiance familière réconfortante. Je n’avais pas la tête à l’aventure et la découverte. J’étais un peu plus en alerte parce que fatiguée comme j’étais j’avais moins de ressource et de lucidité, je me sentais plus vulnérable. Et le quartier où se trouvait la gare ne me rassurait pas. Beaucoup de blacks sur les trottoirs, à zoner et essayer de faire la conversation. En une demi-heure on m’a dit 5 fois que j’étais magnifique et j’ai eu deux propositions d’hébergement (je ne passais pas inaperçue avec mon sac à dos). C’était assez louche tout ça.
Bref, j’ai bu mon café et suis retournée attendre à la gare parce que finalement je me sentais mieux avec la famille des voyageurs. Atlanta est le seul endroit aux Etas Unis où je ne me suis pas sentie bien, mais ce n’était que 2h dans un contexte particulier.

Arrivée à Atlanta

A la gare on peut recharger son téléphone, il y a des toilettes et la plupart du temps une espèce de cafétéria où on peut acheter à manger. Le temps est passé, avec des bus qui arrivaient, qui partaient, avec leurs passagers. La majorité des passagers sont afro-américains, ça m’a étonnée de voir si peu de blancs prendre le car. Le niveau social est plutôt bas. On voit aussi parfois des enfants avec leurs parents ou plus souvent avec seulement leur mère. Et on ne les entends pas du tout. Ca m’épatait de voir ces gamins, les yeux un peu hagards surtout aux escales de nuits, suivant leur mère sans rien dire et de ne jamais élever le ton. Je me suis toujours sentie en sécurité dans les bus. Il y a une espèce de solidarité tacite, on forme un groupe, on dort ensemble, on fait une pause et boit un café ensemble, on fait nos courses à la station service pour manger un bout et parfois échanger quelques mots, et on attend les bus ensemble. Il y a une sorte de train-train, des rituels qui s’installent sur les longs trajets. Je n’ai jamais vu aucun problème. Si une fois, pas bien grave, je raconterai plus tard, sur la route du Colorado.

Police montée à Atlanta

J’ai donc fini par embarquer moi aussi pour mon dernier trajet. Deux personnes ayant quitté Washington DC en même temps que moi la veille embarquaient aussi dans ce bus qui m’a déposée à la Nouvelle-Orléans 11h plus tard, après seulement deux heures de sommeil également. Et vous savez quoi ? On a également eu froid. Peut-être que les chauffeurs mettent du froid pour se tenir éveillés ? Ou alors comme on me l’a dit plus tard peut-être qu’ils ont leur chauffage personnel près de leur fauteuil ?
Ceci dit, je n’étais pas fraîche en arrivant, ayant dormi 4h en deux nuits, après 38h de voyage. Sasha a été vraiment chouette de venir me chercher à 5H30 à la gare. Et de me laisser commencer ma journée en allant me coucher. Ca faisait longtemps que je n’avais pas été aussi HS.

Quartier où vit Sasha, au Nord-Ouest de la ville

Je me suis réveillée entre 11h et midi. Sasha m’avait expliquée que je n’étais pas la seule en workaway, elle accueillait également un couple depuis quelques jours. Quand je me suis levée la maison était vide, alors je suis allée dans le jardin. Il faisait beau. Je me réveillais mais la fatigue était encore là. J’étais engourdie, corps et cerveau. Dans le jardin il n’y avait personne, pourtant j’avais cru entendre des voix. Je me suis assise pour prendre du soleil et regarder le bleu de la piscine. Puis Chris a débarqué, il venait de ce que j’avais pris pour un appenti mais qui était en fait leur chambre. Qui elle donnait sur un autre petit terrain où lui et sa compagne Star était en train de construire un poulailler. Je dis lui pour Chris, parce que c’est la première impression que j’ai eu et que tout en lui donnait l’impression que c’était un jeune homme. Pourtant par la suite j’ai vu que ça ne collais pas : il avait des hanches, une faible poitrine et il était imberbe. Star aussi je l’ai vu comme un homme, mais elle avait effectivement un corps d’homme. Par contre elle m’a dit assez vite qu’elle était transsexuelle, donc une femme. Chris n’a jamais rien dit, et comme je n’ai pas posé la question tout de suite après j’étais gênée de demander.
Ce jeune couple venait de Miami et avait également entrepris un voyage avec pratiquement aucun fond. Ils/elles essayaient de trouver des places chez l’habitant et pratiquaient l’auto-stop. Ils/elles étaient clairement au début d’une nouvelle vie.

Un décor halloweenien

Ce matin là j’ai donc suivi Chris pour rejoindre Star sur le chantier du poulailler. C’était nouveau pour elles/eux de construire un truc et ils/elles étaient vraiment emballés et sérieux dans ce qu’ils/elles faisaient. Je les ai aidé, mais ça ne m’emballait pas plus que ça parce que je ne découvrais pas l’usage de la visseuse électrique ni le plaisir de créer un petit bâtiment. Mais surtout je m’ennuie dans tout travaux où il y a de l’attente inefficace, comme quand une personne visse une plaque de tôle pendant que les deux autres regardent en tenant la plaque de tôle en question. Mais je n’étais pas en forme non plus et ce coin de terrain était à l’ombre. Fatiguée et à jeun, j’avais froid.

Au bout de 2h ils/elles ont fait une pause et comme je les voyais s’assoir sur des fauteuils je leur ai demandé s’ils/elles ne déjeunaient pas : non, ils avaient pris un petit déjeuner. Mais Chris m’a montré où étaient les choses. Je me suis donc goupillé mon repas, et ça allait mieux ensuite.
Du coup il était bien 3h. Sasha est arrivée et tout le monde est parti faire des courses, sauf moi. Il n’y avait pas assez de place dans la voiture et ce n’était pas plus mal parce que je ne me sentais pas d’attaque pour une grande surface. J’ai fais du ménage.

Mur de rouille sur un dépôt, dépôt de rouille sur un mur

Après c’est assez flou. Le lendemain il me semble que Chris et Star étaient en dispo et sont sortis en ville. Du coup j’ai fait du désherbage, ce que j’adore, c’était bien. Mais vers la fin de mon travail j’avais l’esprit confus, le corps engourdi, des débuts de courbatures, pas bon signe. Je ne pensais qu’à une chose, aller me coucher. Et c’est ce que j’ai fait, et j’ai vraiment sombré.
Le lendemain ça n’allait pas mieux. Ca avait même évolué, je sentais mes bronches sensibles, je toussais. Mon corps voulais dormir à nouveau. Alors j’ai pris la décision de me lever, d’expliquer à Sasha que ça n’allait pas et que la meilleure solution pour moi était de rester couchée pour laisser le corps se retaper. En me forçant à faire des trucs je ne ferais que prolonger le mal-être. C’était vraiment embarrassant d’être là, nouvellement arrivée pour rencontrer cette famille et aider dans les travaux, et puis de ne pas assurer. Mais pour assurer il fallait que je me soigne et dorme.

Mélange d’arbre et de trottoir

Grand désarroi en me levant, elle était partie à son bureau en ville et avait laissé sur la table une liste des choses à faire. Aïe. Elle est avocate et travaille souvent depuis chez elle, mais pas toujours ; ce jour-là non. J’ai regardé la liste et ça me semblait impossible de faire tout ça dans mon état. C’était essentiellement du ménage parce qu’elle avait invité des amis ce soir là, il fallait que ce soit prêt. Pas un truc que l’on peut décaler au lendemain. J’avais cru comprendre que Star et Chris était en deuxième jour de dispo mais j’ai été soulagée de voir Chris arriver et me dire que non, la liste était à faire à trois. Ouf !
Cependant, au bout de deux heures j’avais atteins ma limite. Le travail était presque fini mais pas complètement. J’ai dit à Chris que j’arrêtais, que ça n’allait vraiment pas. Je suis allée me coucher et j’ai à nouveau sombré. J’ai dormi toute l’après-midi, fiévreuse et toussante. J’émergeais de temps en temps pour re-sombrer. Je n’ai pas d’autre terme pour décrire mon état, c’était plus que du sommeil. J’ai entendu Giselle rentrer de l’école, puis Sasha, j’ai entendu les discussions et les rires dans la cuisine pendant qu’ils préparaient différents plats, j’ai entendu les invités arriver, etc. Des flashs, des sons, de la toux, entre des grandes vagues le sommeil très lourd. C’était étrange, mais ça avait un côté délicieux. Je lâchais, je me laissais entraîner, je faisais confiance à mon corps. C’était une autre sorte de voyage.

Affiche pour un musée sur la seconde guerre mondiale. Intéressant de voir ce point de vue américain, ayant oeuvré pour la démocratie et fabriqué la victoire.

Quand j’ai ouvert les yeux le lendemain j’ai su que c’était passé. Je n’étais pas guérie, je n’étais pas du tout en forme, j’étais engourdie et en plus de tousser des bronches l’inflammation remontait dans la gorge. Mais je sentais que le plus difficile était passé et que la fièvre était tombée. J’ai entendu frapper doucement à ma porte. Je me suis levée et tout le monde était dans la cuisine, rassuré de me voir en vie. Et moi je me sentais heureuse. Une zombie heureuse. Je n’avais pratiquement rien mangé pendant 2 jours, j’avais perdu des kilos et fais un gros nettoyage. L’impression de repartir sur de nouvelles bases.
Ce jour là j’ai pris une dispo parce que je n’avais aucune force. L’après-midi je me suis dit que je pouvais marcher un petit peu, prendre l’air et aller voir le Mississippi par très loin. Quelle galère ! Je marchais comme une vieille, sans aucune énergie, j’avais froid dans le vent frais. Mais j’ai vu le Mississippi avec émotion, dans un endroit pas très joli mais j’étais quand même impressionnée de voir de grand monsieur.

Bus scolaire dans le centre ville. Partout aux USA on voit ces bus jaunes assurant les transports scolaires.

Mes forces sont revenues petit à petit les jours suivant. Je travaillais lentement, posément. J’ai fait pas mal de désherbage et ça me faisait du bien. Mon soucis était de récupérer le plus possible avant le grand voyage en bus qui m’attendait le jeudi suivant pour rejoindre Denver dans le Colorado. Normalement c’était un trajet de 33h avec deux changements. Après ma première expérience depuis Washington je savais que ça pouvait se rallonger, il me fallait de l’endurance. Et puis je voulais voir la ville ! J’ai posé mon deuxième jour de repos le mercredi pour aller vadrouiller et peut-être entendre parler le vieux français ?

Terrasse prête à accueillir les enfants intrépides. Malheureusement, je n’ai pas de photos des plus beaux décors! Je met ce que j’ai 🙂

Le mardi soir c’était Halloween. J’ai demandé à Sasha pourquoi sa maison n’était pas décorée ? Est-ce que des enfants allaient venir ? En fait non, parce que chaque année elle suit Giselle et ses amis dans leur tournée trick or treat. Littéralement un sort ou un bonbon. Si on ne donne rien qu’on soit maudit !
On s’est donc déguisés aussi, enfin on a mis des accessoires. J’avais une perruque de cheveux longs violets, mes lunettes noires et mon appareil photo : j’étais la paparazzi de la bande. Giselle était en pretty 80’s zombie, ce qui ne faisait pas peur du tout. En fait pas mal d’enfants ont des déguisements en tout genre, pas forcément sur le thème de la mort. J’ai vu des princesses, des spiders man, des cow-boys, etc. Sasha était en diablotine, Chris en cow-boy, et Star … était-elle déguisée ? Sasha lui a donné une perruque de cheveux long châtain clair et une robe qui lui allaient très bien. C’était un déguisement pour son corps d’homme, mais elle semblait surtout heureuse de pouvoir être plus elle-même.

Giselle, Sasha, Star et Chris

Côté habitants recevant les enfants il y en a qui font vraiment des trucs élaborés. Cette soirée est l’occasion de recevoir des amis et de boire un verre, que ce soit en marchant derrière les enfants ou en les accueillant dans un jardin ou sur une terrasse au décor halloweenien. Et même les adultes qui reçoivent les enfants peuvent avoir des déguisements vraiment magnifiques. Une belle ambiance, que j’étais contente de découvrir à la Nouvelle-Orléans où le vaudoo flotte dans l’air et accentue le côté fantastique de l’évènement.

Nous avons quitté la maison pour rejoindre les amis de Giselle, et en fait on s’est retrouvé dans une maison avec plein de parents déguisés et buvant du vin, des enfants en pagaille ayant déjà des stocks de bonbons. Des pizzas sont arrivées dans la foulée et je sentais qu’on ne partirait pas tout de suite. En rémission je ne voulais pas avaler de la pizza, je ne bois pas d’alcool, je ne voulais pas me fatiguer de trop : j’ai dis à Sasha que je rentrais et ai pu admirer d’autres décors et d’autres soirées sur le tranquille chemin du retour.

Arrivée chez les amis de Giselle et Sasha

Groupe d’enfants et parents allant de maison en maison

Groupe d’amis prêts à recevoir des visiteurs

Et le lendemain j’étais plutôt en forme pour ma journée tant attendue à la Nouvelle-Orléans, héhé. Le temps était beau, il n’y avait plus qu’à flâner. J’ai pris le street car pour rejoindre le centre ville. C’est une sorte de vieux tramway, mais très vieux tramway, peut-être celui d’origine. Il n’y a pas de volant, juste des manettes et ça fait un boucan d’enfer quand le conducteur les actionne. Monter dans un street car fait aussi partie des attractions touristiques de la ville.
Je n’ai pas grand chose à raconter en fait sur ma flânerie, sauf que j’ai beaucoup aimé ça. Les hall, le quartier français, mais aussi les autres quartiers traversés pour aller à un rendez-vous avec Sasha et la bande à l’est de la ville en fin d’après-midi.

Un street car

Intérieur d’un street car

J’ai déjeuné dans un joli café plutôt tranquille. A un moment j’ai vu passer devant ma table deux gars qui n’avaient pas trop le look de l’endroit (assez crades, cuirs, tatouages), ne souriaient pas et se dirigeaient vers une petite salle au fond sans avoir rien commandé au comptoir. J’ai trouvé ça étrange. Et quelques minutes plus tard des voix se sont élevées dans la petite salle en question puis un grand black baraqué est sorti en tenant le plus grand des deux gars qui venaient d’arriver par le col. Ce dernier ceinturait le grand black pour l’empêcher de bouger. Bref, ça tournait mal. Le grand black avait l’air sympa et était très en colère qu’on lui réclame un truc injustement. Celui contre qui il braillait et à qui il voulait casser la gueule avait, je dois dire, une tête de méchante crapule. Son comparse essayait de les séparer, rapidement assisté des employés du café. Ils étaient à un mètre de moi, autant dire que je suivais le film avec attention en me demandant si j’allais me retrouver dedans ou pas.

Autre joli café de la Nouvell-Orléans

Mais non, ils ont été séparés, les deux gars récemment arrivés sont repartis, à reculons, la grande crapule braquant son doigt sur le black l’air de dire « ça n’en restera pas là ». Le grand black était encore énervé mais retrouvait ses esprit en faisant des excuses à tout le monde, il était désolé pour la scène. Et il est retourné dans la petite salle du fond.
Bienvenue aux States je me suis dit ! Même si j’ai vu ça des dizaines de fois dans des troquets français. Ceci dit, jamais dans des petits cafés jolis comme celui-ci.

Quartier français, dit « le vieux carré »

Vieux carré

A la Nouvelle-Orléans il y a beaucoup de homeless, de SDF. La musique est très présente aussi. Dans la rue et dans la plupart des bars et restaurants, affichant tel ou tel groupe tel ou tel soir.
Les boutiques sont très chouettes, beaucoup d’artistes et d’artisans vendant leurs œuvres en tout genre (vêtements, tableaux, bougies, bijoux, tisanes, décorations, etc.). Et des boutiques vaudous, axées sur les touristes pour la plupart (grigris, potions, os, plume, livres, encens, etc) mais j’imagine qu’il y a aussi des endroits qui ne prennent pas ça à la légère du tout.


Voodoo shop dans le Vieux carré

https://www.youtube.com/watch?v=9OOocWqhTTM&feature=youtu.be&w=700&h=420

J’ai marché vers l’est où j’avais rendez-vous à 18h avec Sasha pour participer à un défilé en l’honneur de Fats Domino décédé quelques jours plus tôt. La Nouvelle-Orléans c’est aussi un pays de fanfares et ceux qui me connaissent savent que c’est une musique et un milieu que j’adore. Alors l’idée de participer à un évènement fanfaresque à la Nouvelle-Orléans m’enthousiasmait beaucoup.
Les quartiers traversés variaient en ambiances et looks mais gardait cette touche un peu indéfinissable propre à la ville. Ce qui me vient c’est que rien n’est droit, carré. Les arbres qui défoncent les trottoirs avec leurs racines, les maisons, la végétation qui grimpe­ partout, les couleurs, etc., un ensemble faisant que tout est de traviole. Les éléments semblent se marier, s’accoler, se fondre et danser ensemble. Très personnelle comme impression, certainement.

Jolies maisons

Je suis arrivée au rendez-vous un peu en avance mais il y avait déjà beaucoup de monde et les musiciens échauffaient leurs instruments. Il y avait une diversité extraordinaire de gens, de trognes, de déguisements, mais tous étaient souriant et l’ensemble formait une masse sympathique et joyeuse. L’univers des fanfares quoi.
Puis un morceau a commencé, un air entraînant de Fats Domino s’élevant dans l’air de fin de journée et gonflant au fur et à mesure que les instruments le rejoignaient comme une énorme montgolfière invisible transportant tous les cœurs présents dans sa nacelle.
Sasha m’a textotée qu’elle était en retard, du coup quand le défilé a commencé et bien j’ai suivi, je ne pouvais pas faire autrement, mon cœur était haut perché et ne voulait pas redescendre.

Sur le lieu de rendez-vous

Défilé

Ca a été un moment vraiment formidable. Il y avait des centaines de personnes, si on me dit plus de mille je le croirais mais je n’en sais rien. Les morceaux de Fats Dominos s’enchaînaient et les gens dansotaient en marchant ou en regardant passer ce fleuve coloré et sonore. Les portables et les appareils photos aspiraient les instants, deux drones survolaient également l’évènement.

En vidéo, une idée de l’ambiance

J’ai voyagé dans ce défilé pendant un peu plus d’une heure je crois, on était arrivé assez loin vers l’ouest, la nuit commençait à tomber. Toujours pas de signe de Sasha alors je lui ais envoyé un texto comme quoi je retournais vers le point de rendez-vous. Mais je sortais à peine de la queue du défilé que Sasha arrivait avec Chris et Star. On y est retourné un peu, Sasha était aussi enthousiasmée que moi mais Star et Chris n’accrochaient pas trop. On a donc fait demi-tour assez vite, il était temps de rentrer de toute façon.

Queue du défilé

Sasha, Chris et Star arrivent enfin!

J’étais sur un nuage. Le lendemain matin je devais prendre la route pour le Colorado, alors j’ai préparé mon sac.

Un grand merci à Sasha pour son accueil, sa générosité, son ouverture d’esprit, sa joie de vivre. Avec elle, sa fille Giselle, Chris et Star, j’ai passé une semaine inhabituelle, hétéroclite, enrichissante, drôle, merveilleuse.

Voila, j’allais bien, je me sentais bien et j’avais hâte de repartir sur la route.
Vers d’autres aventures, d’autres décors, toujours un peu plus vers l’ouest.
Aux Etas-Unis.