Comme un crissement de craie sur le tableau

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Vous connaissez ce que ça fait, une craie qui crisse sur un tableau. Ce n’est pas spécialement fort, ce n’est pas spécialement violent. Objectivement, comme ça, ce n’est pas grand chose. Juste un petit bruit.
Mais c’est très désagréable. On a comme les poils qui se hérissent et on ressent un mal être dans tout le corps. Un larsen c’est presque pareil. Ce sont des vibrations qui ne nous conviennent pas.
Et bien mes trois semaines aux Canaries ont été comme un crissement de craie sur un tableau. Je n’étais pas bien dans un décor normal. Et le pas grand chose de la source de mon mal-être soulevait en moi des questionnements et une introspection dont je ne trouvais pas l’issue. Pas une qui me convienne en tout cas. Et c’était agaçant et c’était culpabilisant et c’était tracassant. Je me suis regardé le nombril pour voir ce qu’il avait, j’ai essayé de comprendre dedans, dehors, dedans.

Ce bruit de craie sur le tableau est venu du contexte lui-même des Canaries, îles essentiellement touristiques, et de deux personnes que j’ai côtoyées pendant mon séjour. Pas en même temps, l’une après l’autre. Et le fait d’enchaîner coup sur coup deux rencontres qui me posaient questions me posait d’autant plus questions.
Pourquoi décortiquer ce que j’ai perçu de ces personnes, l’effet que ça m’a fait et les réflexions que ça m’a apporté ? Parce qu’un des objets de mon voyage est la rencontre d’autres êtres humains, quels qu’ils soient. Rencontrer la diversité humaine, la diversité des mondes vécus et, si possible, les comprendre. Pour comprendre l’ensemble peut-être, trouver une cohérence dans le bazar mondial.

Côte nord de Gran Canaria

Jusqu’à présent j’avais rencontré des personnes qui m’étaient plus ou moins agréables, voire génialissimes. Et voilà que j’enchaîne deux rencontres irritantes. Normalement on constate, on part et on n’y pense plus. Et bien moi j’y ai pensé longtemps. D’abord parce que je ne suis pas partie de suite et que j’ai pu côtoyer mon inconfort, ensuite parce que chercher à comprendre ces personnes qui avaient des logiques, des réflexions et des comportements loin des miens étaient super intéressant. Je les ais regardé comme des spécimens inconnus. Et mettre ça par écrit m’aide à ma propre compréhension.

Cabanes de pêcheurs à Las Palmas (Gran Canaria)

Il y a d’abord eu Benoît. Il parle beaucoup, presque tout le temps. Il parle de sa vie, de celle de son entourage (son père, sa mère ou une de ses ex), des autres (les gens, les pays, les passants, les voisins, ce qu’il a sous les yeux), dont il explique à quel point ils sont soit stupides dans leur vie soit des enculés envers les autres. Il est très binaire, bien/mal, intelligent/débile, etc. Il est incapable de comprendre le monde ou le point de vue de quelqu’un d’autre ; si ce n’est pas le sien ça a forcément un défaut, une lacune, donc ce n’est pas digne d’intérêt. Pour lui les femmes ne pensent qu’à 1) faire un enfant et garder le père à la maison en le coupant de sa liberté 2) faire du shopping et augmenter leur collection de chaussures. Compassion et empathie sont des notions qu’il n’aime pas. Il a une vision claire et simple des choses, intrinsèquement d’une grande cohérence, intérieurement il est très solide. Il est impossible de discuter tranquillement avec lui, toute tentative se transforme en débat et joute verbale, il n’hésite pas à dévier le sujet de départ pour rebondir et atterrir sur ses pattes. Il a un ego sur-dimenssionné. Avec tout ça il est nul en communication, forcément, il parle aux autres comme à des débiles, s’énerve vite si on ne comprend pas (sa logique), donne le ton et la couleur de l’air sans se préoccuper de la place des autres. Tons et couleurs avec très peu de nuances.

Plage de Las Palmas (Gran Canaria)

Il est très intelligent, a une très grande mémoire, apprend vite, est très efficace et compétent dans tout ce qu’il fait. Sauf humainement. Il est conscient de ce qu’il est et la plupart des trucs que j’ai écrit plus haut il le dit lui-même de lui. Il est très lucide sur lui-même et son rapport au monde. Il a un fond généreux voire altruiste, mais a peu l’occasion de l’exprimer car il est surtout entouré de cons et d’enculés, de gens qui n’en valent pas la peine. Il sait prendre des risques et sait aussi quand ne pas les prendre. Il s’intéresse à beaucoup de choses et est autodidacte dans plusieurs domaines. Il est intéressant, impressionnant, fiable, impoli, saoulant. Son monde étant très simple et fermé à ceux des autres ses réflexions sont aussi très simples. Il est foncièrement honnête, sauf avec les enculés, donc il peu aussi être un enculé. Il est tolérant, sauf avec les cons et les enculés, donc il est souvent intolérant.
En lui il y a peu de place au doute ou au changement de logique, il garde sa grande solidité interne. Un jour il a expliquer en quoi il y a des hommes qui ne sont pas des hommes. En fait il a sa définition de ce qu’est un homme et quand il rencontre un homme qui n’y correspond pas et bien c’est simple : ce n’est pas un homme, c’est autre chose, un truc nouveau (il prenait en exemple ce qu’on appelle les métrosexuels ; ce sont des métrosexuels, pas des hommes).

Graph sur un mur de Las Palmas (nous sommes nés ici, nous vivons ici et je pense rester ici jusqu’à ce que mes yeux se ferment)

J’étais fasciné par ce personnage. D’un côté cette grande facilité, cette aisance à prendre les autres pour des cons ou des enculés et donc à simplifier sa vie au maximum sans complexe. Quand on rencontre l’obstacle d’une autre réalité humaine c’est quand même une solution de facilité que de la balayer de la main comme étant nulle. Oui, mais si c’est si facile, pourquoi je ne le fais pas, par exemple ? C’est simple, mais est-ce si facile que ça ? Tout dépend de la confiance que l’on a en soit sans doute. J’ai beaucoup réfléchi sur cette capacité à se poser soi dans le monde, à affirmer ce que l’on est, à prendre sa place. Bien sûr Benoît est un peu un paroxysme en la matière. Je n’ai pas vraiment envie d’atteindre cet aveuglement aux autres mondes, au contraire ça m’intéresse beaucoup et c’est le principal objet de ma vadrouille à travers la planète. Mais à l’inverse de lui je manque de cette solidité interne, de cette clarté d’esprit sur ce que je suis et la situation dans laquelle je suis. Je trouve les règles du jeu de Benoît trop simples et entraînant un irrespect des autres, mais il m’a aussi montré à quel point les miennes sont souvent brouillonnes, entortillées et sans doute trop nombreuses.

Il me faisait l’effet d’un crissement de craie sur un tableau, mais le simple fait de ressentir cet effet me faisait réfléchir à son pourquoi et m’éclairait sur mes incohérences.

Une rue de Las Palmas

Autre chose qui me faisait réfléchir également c’est l’apparente indifférence des autres personnes à ce comportement dominant. Une personne m’a confié qu’il était souvent agacé par le fait que Benoît raconte tout le temps sa vie, son œuvre et ses exploits. Mais rien sur l’infantilisation ou le monde entouré de cons dans lequel il nous faisait vivre.
Pour le monde entouré de cons, je pense que c’est parce que je suis particulièrement sensible à ces considérations et que je suis moi-même une sorte de paroxysme à ce niveau : ça me répugne de penser qu’un autre puisse être défini comme étant un con. Foncièrement j’entends ; spontanément dans une situation donnée je peux qualifier quelqu’un de con mais je ne pense pas qu’il y ait des cons et des pas cons. Tout le monde est un peu con et tout le monde à sa part de richesse intérieure. Je n’ai pas de case intérieure pour des cons. Ou je répugne à l’utiliser, ce n’est pas correct pour moi. Alors entendre ces qualifications tous les jours envers le monde qui nous entoure ça m’incommodait énormément.

Par contre, pour ce qui est de l’infantilisation ça me pose plus de questions. Soit j’ai un ego plus marqué et susceptible à l’infériorisation par un autre. Soit mon manque d’affirmation me donne facilement l’impression qu’on puisse me marcher dessus. Soit le fait que je sois la seule plus âgée que Benoît me rendait plus sensible à son comportement. Je n’ai pas la réponse, c’est sans doute un peu de tout ça.

Plage de Las Palmas (bis)

En tout cas j’en ai eu marre. Je voyage pour rencontrer la richesse de la diversité humaine et accepter le monde comme il est. Je voyage à la recherche de la prochaine étincelle qui allumera mon envie de repartir sur un projet concret. Je voyage pour me laver de mes idées négatives sur la vie, le monde et moi-même. Je voyage pour me sentir à l’aise avec tout ça. Alors ce n’était pas ma place de rester dans cette ambiance. Mais j’y ai beaucoup réfléchi et je pense que ça m’a servi. Je suis reconnaissante d’avoir rencontré quelqu’un comme Benoît ; imbuvable pour moi mais intéressant à observer et à comprendre. Je n’avais jamais rencontré d’être humain comme ça auparavant. Dans son genre c’est une vraie perle.

Après avoir quitté cette ambiance je me sentais assez minable ; j’ai tendance à me conformer aux regards que l’on porte sur moi. Je n’avais pas grand chose en tête, juste me reposer, me retrouver/recentrer, me baigner, attendre un rendez-vous avec une autre personne 4 jours plus tard pour quelques jours de Workaway. Remettre les mains dans la terre et me sentir utile était plutôt attractif. Et la personne en question affichait des compétences en santé humaines, ayant enseigné le sujet dans plusieurs universités européennes et en Australie.

Plage de Las Palmas (ter)

J’ai passé ces jours d’attente et de repos à Las Palmas, la plus grande ville de l’île Gran Canaria et à Maspalomas, une ville touristique du sud connue pour son désert de sable. Chaque île à un désert de sable, avec ses balades en dromadaires. Le sable vient du Sahara par le vent.
Les Canaries sont principalement tournées vers le tourisme. Ce sont des îles volcaniques, pauvres en eau et en végétation. Mais Gran Canaria est assez exceptionnelle avec un climat plus frais et humide au nord et chaud et sec au sud. Du coup on y trouve une plus grande diversité de décors, notamment des forêt de pins.

Beaucoup d’européens se sont installés ici, au point que 25% de la population est étrangère. Ce n’est pas sans créer des tensions et un climat peu convivial entre autochtones et étrangers résidents ou touristes. Globalement, les canariens ne sont pas très accueillant, mais ils ne sont pas non plus agressifs ; ils jouent la carte de l’indifférence autant qu’il le peuvent. C’est beaucoup mieux si on parle espagnol. Et je les comprends très bien. En voyant le nombre d’infrastructures, de parc de loisirs, de boutiques, restos, plages, etc., le moindre lieu qu’un touriste peut occuper pour s’occuper est occupé. Comme le touriste n’est en général pas très aventurier il reste des coins non touristiques, mais pas sur la côte.

Lac asséché dans le centre de Gran Canaria. L’eau recouvrait ce rocher, auparavant.

Une autre chose qui m’a choquée est l’utilisation de l’eau ; d’un côté on nous prévient d’être économe et d’un autre on voit les villes arroser des pelouses bien vertes, des centre aquatiques avec multiples bassins géant (près de la mer), des douches en libre service sur les plages très touristiques, des jardins bien fleuris et arrosés tous les jours. Et les réserves se vident, se vident, comme j’ai pu le constater en voyant des lacs asséchés au centre de l’île. Ca ne doit pas inquiéter beaucoup, certaines îles comme Lanzarote dessalent l’eau de mer pour avoir de l’eau potable. Je ne sais plus le coup de la dessalinisation mais je me souviens que ça rend la chose aberrante.

Autre lac plus grand, pas complètement asséché mais qui a perdu plus de la moitié de sa hauteur

Mal dans ma peau, fatiguée, me voilà au rendez-vous avec Gonzag, un tchèque de 54 ans installé à Gran Canaria depuis 4 ans. Il n’était pas certain qu’il puisse me recevoir parce qu’il avait des personnes en séminaire et d’autres obligations un peu confuses que je n’avais pas compris. Mais il m’a accueillie tout content parce qu’il avait la bonne nouvelle qu’il avait de la place pour moi.
Gonzag voit les auras des personnes et m’avait demandé des photos sans lunettes et les cheveux détachés pour mieux voir si j’étais une personne de confiance ou pas. Gonzag n’aime pas beaucoup de gens non plus, est plutôt parano, ne veut pas accueillir n’importe qui. Mais il avait lu en moi que j’étais quelqu’un de formidable alors il était tout en confiance. Il m’a serrée dans ses bras, aidée à porter mon sac et a commencé à me déblatérer sa façon de voir, son fonctionnement, que je pouvais avoir confiance en lui, etc. Recevoir un hug c’est plutôt sympa, mais moi je ne lis pas dans les auras et de la part d’un inconnu ça m’a fait un premier effet méfiance. Ensuite, à force de me répéter et m’expliquer plusieurs fois qu’il était comme ça, qu’il touchait facilement les gens, que je n’avais pas à m’inquiéter, qu’il n’y a rien de sexuel dans tout ça, ma méfiance s’est définitivement installée. Je n’avais pas peur de lui, il n’inspirait aucun danger. Mais il ne m’inspirait pas confiance.

Le lendemain, alors qu’il me disait une énième fois qu’il était un professionnel de santé et que donc pour lui la nudité ne le dérangeait pas que je pouvais faire comme je voulais, je lui ai fait remarqué que ça devait faire 10 fois qu’il me le disait. Il ma dit avec un sourire gêné (il n’a pas l’habitude d’être controversé) que c’était pour me mettre en confiance, s’assurer que je pouvais être tranquille. Je lui ai dit que plus il me le répètera moins je serai tranquille ; il me donne une info, c’est bon. S’il la répète c’est que quelque chose cloche. Du coup il a arrêté d’essayer de me rassurer sur son non désir sexuel.

Vue depuis la maison où on logeait et qu’on préparait

Dans ses explications Gonzag relate notamment sa conception de la relation de couple. Il n’aimerait pas que je mentionne cela comme étant sa conception, pour lui c’est scientifique, tout ce qu’il avance est prouvé. Mais je vous assure que non. Alors je parle de sa conception des choses. Pour lui un homme et une femme (les seuls couples valides, les homosexuels ayant une anormalité génétique, je le cite) doivent vivre ensemble entre 6 et 18 mois sans aucune relation sexuelle (même pas un baiser) pour voir si ça colle. Alors, si la vie quotidienne et tous les ennuis qui plombent un couple est facile alors le désir est encore plus grand et on peut commencer à parler sexualité, pour s’accorder, se comprendre. Après de deux ou trois mois de discussion on peut passer à l’acte.
Pour lui le seul amour possible et vrai est celui que l’on peut avoir avec un(e) partenaire. Pour lui une femme ne peut pas aimer son enfant plus que son compagnon, c’est impossible. Ou alors elle se trompe, elle n’aime pas réellement son compagnon. Si elle l’aime vraiment ça ne peut qu’être plus que son enfant, qui lui est destiné à partir.

Il applique cela dans sa vie aussi. Une fois ça n’a pas collé (un jour il est rentré et elle était devant la TV à grignoter un truc, ça l’a choqué qu’elle continue à regarder son émission au lieu d’arrêter tout pour l’accueillir et passer du temps avec lui). Une autre fois c’était le paradis. Mais Gonzag s’est découvert limérent (la limérence, je n’ai pas entièrement compris ce que c’est, ou du moins ce que j’en comprend ne m’explique pas en quoi ça le rend sélectif, lui) et il ne veut donc avoir de relation qu’avec des femmes limérentes. Quand il s’est aperçu de ça pendant sa relation parfaite il s’est dit que sa relation n’était pas parfaite. Alors, après plus de 10 ans de relation il a pris trois ans pour que sa compagne se détache de lui. Il ne voulait pas la faire souffrir alors il a fait en sorte qu’elle se détache d’elle même en se faisant plus distant, etc.
Gonzag est capable de ça.

Il y a un lézard sur cette photo

Gonzag est aussi capable, avec la complicité d’un ami psychiatre, de rendre une petite amie amnésique pour qu’elle l’oublie lui. Cette petite amie était une étudiante à lui, limérente (youpi) et l’aimait trop, à en devenir anorexique. Personnellement je trouve ça louche le côté anorexique car trop amoureuse. Mais bref, voilà que pour la sauver ils lui ont fait une injection à son insu (c’est plus technique que ça mais j’en ai déjà entendu parler) et elle l’a oublié, elle ne le reconnaissait plus.

Gonzag me faisait l’effet d’une sorte de fou, qui a tout compris de la biologie humaine et qui par altruisme est capable de manipuler, diriger, enseigner ses préceptes qui au fond n’ont rien de scientifique. Il a réussi à rassembler les éléments scientifiques qui accréditent sa vision de la vie humaine, mais sa démarche est nullement scientifique. Elle a un aspect obsessionnel.

Grand lac à moitié asséché

Quelque fois j’avais l’impression d’avoir un dément en face de moi. Inoffensif dans le sens où il ne veut faire de mal à personne, physiquement. Mais il n’a aucune notion de où commence le territoire de l’autre que ce soit physiquement, énergétiquement, déontologiquement. Il est capable d’agir, de décider, pour d’autres personnes même sans leur consentement, juste persuadé qu’il a la connaissance. Il guide, enseigne, influence, manipule des personnes qui viennent le consulter pour les sauver d’elles-même et de leur ignorance.
Il dit lui-même recevoir et préférer recevoir des femmes, parce qu’elles sont en général plus à l’écoute et moins agressives. Les hommes le remettent plus facilement en question et sont plus dans le combat. Et il est vrai qu’il est lui-même plutôt combatif avec son environnement masculin.

Village de Fataga

En fait il n’y avait pas de jardinage à faire. Ma présence n’était même pas nécessaire. Je l’ai aidé à préparer une maison (ménage et bricolage) que des allemands viennent d’acheter et qu’il entretient/rénove pour eux en échange de pouvoir l’utiliser quand ils ne sont pas là. Les allemands en question devait débarquer quelques jours plus tard donc il y avait de quoi faire. Mais c’était faisable seul.
Je pense que je lui faisais une présence féminine, une écoute, une emprise si possible. Il voulait rassurer sur l’absence de caractère sexuel de ses relations, mais il mentait sans savoir qu’il mentait. Parce que même sans relation sexuel vouloir partager une intimité avec quelqu’un peut avoir un caractère sexuel.
Il m’a proposé de dormir dans sa grotte parce qu’on y dort mieux. Il n’y serait rien passé, mais c’est quand même partager une chambre et énergétiquement sa proposition était intrusive. Il m’a fait un massage mais pas deux, parce qu’en me massant le visage il me caressait avec tendresse, rien de professionnel. Rien de sexuel pourrait-on dire, mais se faire caresser le visage avec tendresse par quelqu’un pour qui on n’a aucun lien et encore moins de tendresse c’est très intrusif, aussi. Et ce n’était pas dans le contrat. Toute ma méfiance se justifiait au fil des jours, non pas que je risquais quelque chose physiquement, mais il était juste malhonnête et énergétiquement intrusif. Il voulait quelque chose de moi, quelque chose de non dit, quelque chose d’intime.

Montagnes en ombres chinoises

En tant que limérent et adepte de la vie de couple abstinente je pense qu’il prend un grand plaisir à partager sa vie avec une femme. Mais tout cela est malsain, car il le fait passer sous couvert de soin de santé, de soin psychologique (dormir dans la même pièce qu’un homme sans qu’il ne se passe rien serait sensé rassurer les femmes qui n’ont pas/plus confiance dans les hommes) et physique (alimentation saine, massage, etc) et ne parle pas bien sûr de tout ce qu’il en retire, lui, d’une façon perverse. Sans le savoir j’en suis sûre. C’est calculé mais inconsciemment, je pense.

A côté de ça il est apparemment prévenant, au petits soins, accueillant. Il m’a fait visiter des endroits à plus d’une heure de voiture, m’a hébergée et nourrie pendant 6 jours pour pas beaucoup d’aide en retour.
Rien à dire en surface.
Mais c’était un sacré bruit de craie sur le tableau.

Ciel bleu le matin, qui se couvrait l’après-midi

Plus les jours passaient plus cet homme me répugnait. Quelque fois je le regardais parler et raconter son monde, j’avais l’impression de rentrer et comprendre le monde d’un médecin fou. Et j’ai mal pour les femmes perdues dans leur vie, celles qu’il préfère recevoir, et qui mettent leur confiance en cet homme. Peut-être qu’il leur fait du bien, au moins à certaines. Mais sous quels dogmes, derrière quels nouveaux barreaux vivent-elles ensuite ?

Ca m’écoeurait.
La nausée restait décidément un thème d’actualité pour moi.

Et je ne vous parle pas de son discours sur les espagnols. Pas que les canariens, qui sont les pires, mais les espagnols en général. Du racisme exacerbé, pour quelqu’un qui veut s’implanter dans ce pays c’était d’autant plus indécent.

Paysage grandiose digne de l’Arizona

Un jour j’ai essayé de discuter plus profondément, d’expliquer ma vision des choses en essayant d’échanger, mais aussi pour me poser moi, ne pas être complice. Mais en fait c’était fermé, aucune ouverture là non plus. Le lendemain je n’ai pas poursuivi, et il m’a dit à un moment qu’il était content de me voir en meilleure forme, que j’étais comme du miel aujourd’hui alors que la veille j’étais de mauvaise humeur.
Là j’ai compris que son truc de voir les auras était assez foireux, que s’il voyait quelque chose il ne savait pas l’interpréter. Parce que si s’exprimer c’est être mal lunée et écouter sans rien dire c’est être de bonne disposition, alors il ne voyait rien du tout de mon énergie intérieure. C’est parce que j’étais bien lunée que j’ai pu prendre l’initiative de discuter tranquillement et parce que je n’étais pas en forme le lendemain que je préférais me taire plutôt que prendre le risque de vider mon sac agressivement.

Ca se couvre

Quel risque me direz-vous ? Pourquoi rester avec un type pareil ?

D’abord parce qu’on ne comprend pas tout du premier coup. Toutes les conversations se faisaient en anglais et du coup je met plus de temps à faire la part des choses et comprendre les subtilités. Ensuite en apparence il n’y avait rien de mauvais. J’étais logée et nourrie dans un cadre magnifique. Et comprendre ce type a pris du temps, comprendre ce qui clochait, pourquoi ce bruit de craie sur le tableau.
Avez-vous déjà discuté avec un fou, un type dangereux non pas pour la vie mais pour l’esprit d’autres personnes ? Ca fait bizarre.
Je suis quand même partie trois jours plus tôt que prévu, je n’en pouvais plus et je ne voulais pas enchaîner New York avec ça.

Versants dans le soir

J’ai donc passé trois jours dans une petite ville de la côte Est. Et ça m’a fait du bien. Et j’ai pu commencer à vraiment me retrouver et faire le point sur les trois dernières semaines. Semaines bizarres, inconfortables, dans un décor d’îles tropicales. Semaines intéressantes malgré tout. J’ai beaucoup appris, sur les autres et sur moi-même.
Ca m’a ramené à la notion de choix aussi. L’envie de décision, de choix, repointait un peu son nez.

Mais j’avais hâte de quitter tout ça. Tous ces mensonges, toutes ces apparences, tous ces désastres, tout ce moite, tout cet ennui. Prendre l’avion, décoller, arriver dans une ville magique comme New York.

Tout serait différent.

Au moins dehors.

Et rien que ça me ferait du bien.

C’est le principe du voyage.

Olivier

 

Cactus et ses fruits, il y en avait partout, délicieux (mais à passer dur la flamme avant pour enlever les épines)

La grande tige à gauche est la fleur des plantes comme celle de droite. Elle fleurisse tous les 14 ans.

 

La plante de gauche à une sève laiteuse très très irritante : attention si on casse une branche. La plante de droite a une sorte de gomme au coeur des tiges, qui serve à faire du chewing gum.