Ca bouge

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Je suis à deux jours de re-quitter mon pays d’origine. Je ne peux pas dire mon pays tout court ; mon pays tout court ça collerait pour le Finistère, je crois. Je vais entrer en Espagne. Changement de langue et de culture au sens large. J’ai déjà commencé en arrivant dans le sud de la France. Ou plutôt, en descendant vers le sud j’ai suivi cette espèce de gradient de choses indéfinissables qui changent entre les régions nordiques et les régions latines.

Au premier abord je dirais que c’est plus le bordel, c’est plus crade, c’est moins respectueux des autres. Au deuxième qu’il fait plus chaud, qu’il y a des bons fruits et légumes, que c’est plus cool, plus spontané, plus léger, plus fugitif.

Au dernières nouvelles j’étais sur le point de quitter l’Irlande pour rejoindre le Pays de Galles par ferry. Je ne vais pas détailler ici la suite du voyage comme je l’ai fait dans les deux précédents articles. Pas le temps. Juste une ébauche des grandes lignes.
Au Pays de Galles j’ai passé trois jours en couchsurfing chez Kathy et Trevor, un couple très très charmant, qui s’est formé à un concert des Pink Floyd à Londres et qui s’aiment comme au premier jour. Ils ont comme animal de compagnie un petit oiseau blanc qui s’appelle Snowy. C’est une dame qui est régulièrement lâchée dans la maison pendant la journée et qui est bien sympathique. Au bout d’une journée elle venait aussi se poser sur ma tête et se laissait caresser.

Ledbury, très jolie ville avec des maisons à colombages noirs et blancs

Mur de briques rouges plein de charme à Ledbury

Ensuite je suis allée une journée à Hereford où je garde un souvenir mémorable de la cathédrale. Puis j’ai passé trois jours en couchsurfing à Ledbury chez Viktoria, une femme que j’aime beaucoup et avec qui j’ai beaucoup discuté de choses intéressantes et profondes.
Puis je suis allée trois jours en B&B pour faire un peu le point, me rassembler et prendre le temps de rédiger un article. Et visiter Avebury, un village construit sur un grand site mégalithique, très agréable à parcourir.

Sur le site d’Avebury

Une pause à Salisbury puis arrivée à Portsmouth où j’ai aussi pu passer une nuit en couchsurfing chez Jennifer, une jeune américaine immigrée qui m’a laissée son appartement pendant qu’elle était à un festival de musique : je l’ai à peine croisée, mais j’ai passé une belle dernière soirée en Angleterre dans le quartier portuaire branché dans lequel elle vit.
J’ai toujours voyagé en stop, avec des rencontres extraordinaires : une famille de japonaise qui me dépose avec un sac contenant des chocolats au thé, des soupes japonaises, des chips japonaises, et leur adresse à Osaka pour que je passe les voir quand je serai au Japon. Un fourgon de secourisme avec trois hommes qui font un bon détour pour me laisser sur une route plus directe et me donne des gobelets en plastique avec des dosettes de soupe, capuccino et chocolat en poudre. Des routiers qui me racontent leur métier. Une série de souvenirs qui sont des trésors.

Pub à Portsmouth

Coucher de soleil à Portsmouth

De Portsmouth le ferry m’a amenée à Caen où j’ai eu le bonheur de rencontrer Clarisse, également en couchsurfing, qui m’a hébergée à la dernière minute et avec qui j’ai adoré discuter. Ca a été très court, le lendemain je repartais avec en tête de traverser la France en quatre jours en auto-stop. J’espère vraiment revoir cette belle femme un jour.
Le soir suivant j’étais à Tours comme prévu et reçue par la dernière personne à m’avoir prise dans sa voiture. Ca a été magique pour moi de passer une soirée avec sa famille dans leur grande maison au centre de Tours. Et j’ai beaucoup aimé les échanges que j’ai eu là aussi, notamment ses témoignages ahurissants sur son métier de pharmacienne.

Attente à une entrée de péage d’autoroute, personne ne s’arrêtera : je dors dans un hôtel pas loin et reprendrai le lendemain matin pour enfin voir un couple formidable s’arrêter et m’emmener à Clermont-Ferrand

Puis mon périple à été plus difficile, parce que le stop n’a pas aussi bien marché la deuxième journée et que j’ai pris du retard, du coup j’ai aussi pris des bus : de Clermont-Ferrand à Montpellier et de Montpellier à Perpignan. J’avais un rendez-vous à Leucate le 1er septembre pour récupérer mes affaires de voiles. Dont je n’aurai pas besoin, j’ai appris que les bottes et le ciré ne sont pas utiles pour traverser l’Atlantique à l’automne. Mais à Leucate ça a été un vrai bonheur : grâce à couchsurfing j’ai été hébergée par Sebastien chez qui j’ai aussi fait la connaissance de Florence, une amie qui travaille avec lui. Je les ai quitté ce matin après avoir passé deux jours avec eux et j’ai l’impression qu’on se connait depuis longtemps et qu’on se reverra plus tard. C’était magique. Sébastien ne m’a pas seulement hébergée et bien nourrie, il m’a aidée à récupérer mes affaires, avait accepté de réceptionner un colis que j’avais demandé à ma mère, et a accepté de garder ces fameuses affaires inutiles en attendant que je les récupère.

Fin de journée à Fitou près de Leucate

Au final, j’ai beaucoup aimé cette traversée de la France. Je l’ai vécue comme telle, un déplacement. Je ne me suis pas attardée dans une ville. Sauf à Montpellier où j’ai cherché à acheter du matériel à la Fnac. J’ai beaucoup aimé reparler une langue que je comprends et que je manie. Les échanges ont été plus intéressant encore. Trois personnes magnifiques m’ont ouvert leur porte, hébergé et nourri ; je suis très touchée par ces rencontres et les richesses que j’ai pu y découvrir. J’ai quatre nouveaux amis.

Soirée Tango à Montpellier

Très touchée aussi par les personnes qui m’ont prise en stop, faisant des longs détours parfois, me racontant leur part du monde. C’est assez étonnant le stop, être au bord de la route et recevoir une multitude de regards : des étonnés, des apitoyés, des moqueurs, des apeurés, des dégoûtés, des méprisant, et des pas de regard du tout. A me demander si je ne suis pas minable et débile de faire ça. Et puis une voiture s’arrête et je bascule dans un monde où tout est normal, on me fait de la place, on raconte nos vies, on me laisse où c’est le mieux pour continuer, bonne chance et à la prochaine. Quand je fais du stop je n’espère pas que les voitures s’arrêtent, j’attends qu’une personne qui partage la même normalité que moi passe par là : elle s’arrêtera. Et ces personnes peuvent être de tout âge et de tout milieu social. Je revois complètement mes a priori sur les gens, mes cases de rangement changent, commencent à s’effacer et ça m’émerveille. C’est pour ça que je veux voir les gens et le monde, pour qu’ils gomment les idées que je m’en fais et me montrent leur vrai visage, qui est la majorité du temps magnifique.

Dans un patio de musée à Perpignan

Du fait de connaître le pays ou du moins la langue et les codes j’ai été plus à l’aise et j’ai mué intérieurement. Je me sens beaucoup plus une voyageuse à présent. Je ne suis pas en vacances, je ne suis pas une touriste, je ne visite pas. Je voyage. Je suis nomade. Mes attaches géographiques s’effacent, je ne me sens pas loin de, je suis là où je suis, en sécurité avec moi-même et pour la première fois de ma vie je commence à me sentir en sécurité avec les autres. Tous ces autres qui font mon voyage, m’accueillent, me déplacent. Le stop et le couchsurfing sont comme des onguents sur mon âme qui calment l’inflammation, la fragilité sensible que j’avais aux contacts des autres. En remettant des bouts de ma vies entre les mains des autres et en voyant les merveilles qu’ils en font je suis de plus en plus rassurée intérieurement, et c’est aussi avec moi que je me réconcilie.

Je me sens mieux dans ma peau.

Ramassage de figues sauvages

Initialement je devais embarquer sur un voilier partant de Leucate en septembre, mais suite à un différent avec le skipper (qui n’en était pas vraiment un) j’ai été éjectée de ce projet, ce qui m’arrange parce qu’il était très bancale, je ne le sentais pas bien. Et heureusement j’ai trouvé un autre embarquement, sur un bateau beaucoup mieux, plus grand, plus confortable et avec un bon skipper. Le bateau s’appelle Souls, plutôt joli, et il partira de Gibraltar à la première fenêtre météo propice s’ouvrant à partir du 15 septembre.
Le skipper s’appelle Stéphane et il tient une page Facebook et une chaine Youtube pour illustrer ses voyages et sa vie sur son bateau.
Une visite guidée du bateau ICI
Sa page Facebook où vous pourrez avoir la position du bateau régulièrement pendant la traversée ICI.
Nous sommes quatre équipiers à embarquer, les trois autres ayant aussi le projet de continuer sur le continent américain par la suite. De Gibraltar, le programme actuel est d’aller aux Canaries pour y passer deux semaines, allant sur les différentes îles. Puis un saut au Cap vert pour prendre assez rapidement la mer direction Barbade, l’île la plus proche côté Antilles. De Barbade un saut en Martinique où nous devrions être vers le 20 novembre pour ravitailler. Là, soit je débarque, soit je reste sur le bateau qui redescendra sur les Grenadines, puis Colombie, avec fin du voyage à Carthagène vers le 20 décembre. J’ai prévu de faire un peu d’Etats Unis avant de faire l’Amérique du sud donc pas sûr du tout que je fasse cette partie. J’ai un mois pour décider.

Rue de Clermont-Ferrand

Dimanche (demain) je prends un bus pour Barcelone où je serai hébergée en couchsurfing chez un espagnol qui parle français et a fait un stage dans une ferme de maraichage bio en Bretagne il y a 20 ans pour ensuite aller jusqu’au bout du monde en stop avec des panneaux écrits en bretons. Je n’ai pas fait exprès, c’est ce qu’il a répondu en acceptant ma demande d’hébergement : ça promet d’être une rencontre bien intéressante encore.

Le 5 septembre je prendrai un train pour Algésiras, parce que je dois être le 6 septembre à Gibraltar pour un super plan : garder un chat dans un appartement pendant l’absence des propriétaires. Lors d’un trajet en stop en Irlande on m’a parlé du house sitting, « c’est comme du baby sitting mais pour des maisons et souvent des animaux voire des plantes ». Du coup je me suis renseignée sur internet et ai trouvé plusieurs sites. Je me suis inscrite sur TrustHouseSitters, via lequel j’ai postulé sur cette annonce de garde de chat du 6 au 12 septembre, et ça l’a fait. J’en suis toute heureuse, avoir un logement pendant une semaine avec la causette à faire à un chat, j’adore. Il me reste à trouver un couchsurfing ou un workaway pour loger jusqu’au 15, à moins que Stéphane arrive plus tôt des Baléares selon la météo et que j’aille attendre le départ sur le bateau.

J’ai vraiment hâte à cette aventure. Quand le bateau quittera le port je vais entrer dans des mondes inconnus pour moi. En fait, je me rend compte que mon voyage est assez bien boutiqué pour me faire progresser en douceur. Depuis le simple fait de partir et me déplacer dans l’espace, de rencontrer d’autres personnes mais doucement, avec de longs séjours pour m’acclimater et apprendre à faire connaissance, puis l’auto-stop, de plus en plus de couchsurfing. Mais tout cela en Europe, dans un fond culturel commun que je connais plus ou moins.

En mer c’est un autre monde, notamment avec la promiscuité et l’environnement qui est tout simplement exceptionnel. Mais les Etats-Unis aussi sont pour moi un autre monde, même si on est toujours dans ce qu’on appelle les sociétés occidentales. Les Etats-Unis me font un peu peur, par endroit. J’attends de mon voyage de me montrer que là aussi il n’y a pas de quoi.

Le chien de Sebastien, il garde l’entrée et ne dit jamais rien. Enfin je crois.

Avec l’Amérique du sud j’ai l’impression que je rentrerai dans le cœur de mon sujet. Dans ces pays et avec l’Asie ensuite je serai dans des cultures que je n’ai jamais côtoyé et qui m’apporteront énormément. Je pense que la source de ce que je ferai après mon voyage naîtra dans ces régions. C’est là que les potentiels de mes champs de découvertes et d’émerveillements sont les plus grands, or c’est ce qui alimente mon moteur interne et ma créativité. Et j’ai une envie de globalité. Mon besoin de cohérence dans ma vision du monde a besoin d’une vision plus globale. Alors la découverte de ces régions est très très attractives pour moi. C’est pourquoi je les réserve pour la fin, c’est pourquoi je ne suis pas si attirée par la Nouvelle Zélande et l’Australie, alors que oui, je sais bien que ça vaut le coup. Mais ce sera pour dans un an ou un an et demi donc rien n’est décidé, et de toute façon toute décision est toujours temporaire.

Je vous écris depuis Leucate, à l’ombre d’une pergola et rafraîchie par la tramontane qui souffle presque tout le temps ici, et très fort. Mais je posterai sans doute demain depuis Perpignan, après avoir essayé de diminuer les fautes d’orthographe, choisi et allégé les photos, mis en ligne, etc.

Je me sens bien, je me sens vivante, je m’allège, je recommence à surfer sur ma vague. Difficile à expliquer.

La motivation revient, et elle s’appelle Les autres.

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Ange dans la cathédrale d’Hereford (Angleterre)