(I am) WWOOFing

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Vous connaissez le réseau WWOOF ? World Wide Opportunities in Organic Farms (Opportunités dans des fermes bio à travers le monde). Le principe est assez simple : séjourner dans des fermes bio en donnant 4-5h de travail par jour, 5 jours par semaine, en échange du gîte et du couvert. Il est ainsi possible de voyager partout pour pas très cher (juste les transports à charge) en rencontrant vraiment les gens du pays et en partageant leur vie quotidienne. Ca laisse aussi du temps pour se promener et visiter.

 

Maryvonne porte des sacs de caca de moutons (photo par Sophie)

Les fermes bio qui veulent recevoir des personnes (parce qu’elles ont besoin d’un coup de main mais beaucoup aussi pour rencontrer des gens de partout sans sortir de chez eux) s’inscrivent sur le site WWOOF de leur pays, en remplissant une fiche plus ou moins détaillée pour décrire leur ferme, le travail attendu, les conditions de logement, les horaires, les attraits du pays, etc. Les personnes qui veulent donner un coup de main (appelées WWOOFeu(r)(se)s, voulant faire du WWOOFing) peuvent consulter ces fiches sur le site WWOOF du pays qui les intéresse, mais doivent s’inscrire sur ce même site pour pouvoir contacter les fermes. L’inscription est en générale dans les 20-30 euros pour un an.

Le problème avec WWOOF est ce fonctionnement par pays. Quand on veut faire plusieurs pays il faut s’inscrire sur plusieurs sites, pas très pratique ni économique. Par ailleurs, on ne tombe pas forcément dans des fermes bio, voire pas dans des fermes mais chez des gens qui veulent un coup de main pour faire leur jardin et s’occuper de leurs quelques animaux. Ce qui n’est pas un mal, ça peut être aussi sympa. Simplement, le terme fermes bio n’est pas toujours approprié.

 

Maryvonne sème des carottes (photo par Birgitta)

De ce fait, il y a un autre réseau qui prend de l’ampleur : Workaway (travailler ailleurs). Ici, le nom est clair. De plus, Workaway a un site mondial ; pour 20 euros nous avons accès à tous les points d’accueil du monde pendant un an. Et dans ce réseau il y a vraiment de tout : des fermes (bio et conventionnelles), des jardins, des hôtels (ou B&B ou Auberges de jeunesse), des familles (à aider à la maison et garde d’enfants), des particuliers retapant un bateau ou une maison, des communautés, des écoles, des ONG, etc. Allez voir c’est gratuit, sauf pour avoir les contacts.

Dans le même genre il y a aussi HelpX, mais je n’ai pas trop fouillé pour le moment ; il paraît que sur celui-là il est possible d’être un peu rétribué.

Il y a plusieurs mois j’avais contacté une ferme bio du Finnmark. En fait, j’avais regardé sur le site WWOOF Norway la ferme la plus au nord. J’avais vraiment envie de voir le grand nord, le cercle arctique et le jour en continue. Avec la curiosité de voir comment on pouvait faire pousser des légumes dans une telle région. Après quelques échanges et questions/réponses des deux côtés le marché était conclu : j’arriverais le 2 juin et repartirais le 3 juillet.

En quittant la France le 10 mai j’avais donc pour objectif d’être à Børselv le 2 juin ; entre les deux j’avais le temps de visiter et de voyager en bus. J’aime bien le bus, je peux voir le paysage, le voyage dure le temps qu’il faut pour apprécier les distances. J’aime sentir les distances, la géographie, le chemin parcouru. Là est le vrai voyage.

 

Maryvonne ramasse des algues (photo par Birgitta)

Et le 2 juin je suis arrivée à Børselv en bus, après avoir traversé la Belgique, les Pays Bas, l’Allemagne, le Danemark, la Suède, la Finlande et le nord de la Norvège. Il n’y a qu’entre Stockholm et Lulea en Suède que j’ai pris un train de nuit. Au moins j’ai dormi un peu. Sinon c’était bus de nuit, j’aurais été en vrac pour voir le père noël à Rovaniemi, ça ne se fait pas.

Je vous ai déjà parlé de toutes ces étapes, ici sur le blog ou par bribes sur Facebook et/ou Instagram. Et j’en profite pour vous remercier de vos suivis, des j’aime, des j’adore, des p’tits cœurs, des commentaires, etc. ; ça me donne envie de continuer à témoigner, partager. Il me faut maintenant gérer la compulsion de regarder trop souvent combien de personnes aiment mon post, mais ça va le faire, je commence à lâcher un peu plus.

Donc, le 2 juin j’arrive à Børselv, sur le parking de la supérette COOP qui illustre à elle toute seule le centre commercial de Børselv. Parking qui sert aussi d’arrêt de bus et où m’attend Birgitta. Ah, Birgitta, toute une histoire cette belle dame, j’en parlerai dans un autre article, ainsi que des autres personnes que j’ai rencontré et que je fréquente ici. Pour le moment je parle de moi, c’est tout (héhéhé).

 

Maryvonne prend de l’eau pure directement de la montagne (photo par Birgitta)

 

Birgitta est le contact des WWOOFers qui postulent pour venir à la ferme. La ferme, c’est en fait le jardin et la petite serre de Birgitta (jeune retraitée dynamique de 71 ans) qui fait pousser des légumes (mariée à Randolph, qui à 81 ans et n’est plus très actif), une petite ferme d’élevage d’une 100ne de moutons chez Svanhill et Bjornart (un couple d’amis dans la 50ne qui vit à 500m), et puis bientôt il va y avoir une nouvelle activité : petit magasin de vente de trucs en tout genre (légumes en trop, antiquités, vêtements, etc., je n’ai pas tout compris) dans un local près de chez Irène (une autre amie dans la 50ne qui habite à 2 km).

Au début je logeais chez Birgitta, que j’aide pour lancer les cultures et continuer à aménager ses installations. Depuis 10 jours je loge chez Irène, chez qui je dois préparer le local de vente : nettoyage, ponçage, couches avant peinture, peinture. Concrètement je suis dispersée chez tout le monde, tout ça n’est pas très organisé, toutes les décisions ne sont pas prises (la couleur de la peinture, chez qui il est plus urgent d’aller, quel temps il fera demain). C’est chez Svanhill et Bjornart que je vais le moins car il y a une autre WWOOFeuse qui travaille chez eux. Et devinez quoi ? C’est une française ! Sophie, 40 ans, qui va de ferme en ferme depuis un an et demi, une très chouette personne.

 

Maryvonne essaie de sortir son appareil photo à Hammerfest (photo par Sophie)

Donc, mon travail est assez flou (sans être artistique, quoique). Mais ce n’est pas grave, dés que je fais un truc j’ai le droit à plein de remerciements ravis, j’ai beau dire que je suis venue pour travailler ça ne change rien. C’est comme s’ils étaient surpris que je les aident, c’est bizarre. Ceci dit je peux comprendre que comme je suis non seulement autonome mais que je leur donne des cours d’agronomie, le travail doit aller plus vite qu’avec un WWOOFeur inexpérimenté à qui il faut expliquer précisément ce qu’il faut faire.

N’empêche que je culpabilise parfois de bosser si peu (3-4h par jour pour le moment, en moyenne) et de séjourner gratuitement.

Non, en fait, en regardant vraiment, je culpabilise de me lever si tard. Impossible de commencer avant 10h ou 10h30. Enfin si, ce serait possible, mais en mettant le réveil et en n’étant pas très en forme. J’ai le sommeil décalé depuis un bon moment, ce n’est pas seulement le soleil de minuit qui fait ça. Même quand je m’endors avant minuit je ne suis en forme pour me lever que vers 9h30. Ceci dit, j’ai lu l’autre jour que des chercheurs ont montré que les adultes devraient commencer leur journée à 10h pour vraiment respecter leur rythme biologique. En gros, je me respecte, maintenant il n’y a plus qu’à assumer.
Ceci dit (bis), j’ai de la chance que mes hôtes me laissent faire.
Ceci dit (ter), s’ils étaient plus exigeant peut-être que ça remettrait mon cycle de repos plus d’équerre avec le monde conformiste.
Conclusion : je verrai sur les autres fermes ce que ça donne.

 

Maryvonne devant le fjord Porsanger par une belle soirée sans vent (photo par Sophie)

De manière générale, et même particulière, et même dans les détails, je suis quand même très bien tombée. Toutes les personnes que je côtoie ici sont très accueillantes, intéressantes dans leurs histoires, leurs savoirs, leurs fonctionnements.

Et le cadre est magnifique.

En interne ça ne bouge pas trop mais je sens qu’il y a du jeu. Au fil des mois il y a des trucs qui vont se décoller et d’autres bouger.

J’ai envie de revenir au Finnmark un jour, pendant l’hiver, dans un cottage norvégien avec cheminée, sauna et vue sur la voûte étoilée et les aurores boréales. Je mangerai du saumon sauvage, de la renne séchée, du fromage caramélisé, des cloudberries et des blueberries congelées depuis leur récoltes estivales, et je dormirai 12h par jour. Ca serait pas mal.
Si je me dit des trucs comme ça dans tous les lieux où je séjourne quel sera mon rapport au monde ? Mon cœur ne pourra pas vouloir être partout en même temps !? Qu’est-ce que ça va faire bouger dedans d’être en accord avec autant de lieux et de gens différents.

Aventure extérieure, aventure intérieure.

Ca ne fait que commencer.

 

 

Réalisation artistique de Maryvonne dans le jardin de Birgitta